La Rivière Pourquoi David James Duncan Monsieur Toussaint L'ouverture The Unamed Bookshelf

Quand votre père gagne sa vie en écrivant des articles sur la pêche à la mouche, que votre mère est une redoutable pêcheuse à l’appât, et que tous deux passent leurs journées à débattre sur Le Parfait Pêcheur à la ligne, vous ne pouvez sincèrement pas devenir un être humain normal. C’est donc sans surprise que Gus Orviston s’avère être lui aussi un mordu de la pêche, sous toutes ses formes, et qu’il décide, à vingt ans, de quitter cette maison familiale peuplée de fous furieux et de s’installer dans une cabane au bord de la Tamanawis pour s’adonner entièrement à son activité de prédilection : la pêche (jusque là, c’est facile à suivre). Mais c’était sans compter l’effet que la solitude va avoir sur ce pauvre jeune homme, qui perd peu à peu les pédales et se voit obligé de réinventer sa vie, avec l’aide miraculeuse de ses voisins, tous plus perchés et adorables les uns que les autres.

Le moins qu’un puisse dire, c’est que c’est un étrange roman initiatique que celui-ci. D’après le titre et la couverture, je m’attendais à un livre au rythme lent et réflexif, à l’atmosphère ouatée et brumeuse. Que nenni ! La première partie est une succession d’anecdotes de la vie des Orviston, racontée avec un humour à froid des plus déroutants, qui achève de nous convaincre que cette famille est décidément la plus barrée que nous n’ayons jamais rencontrée.

C’est ensuite seulement que commence la partie « sérieuse » du livre, où nous retrouvons effectivement de très belles réflexions sur la vie, son sens et ses non-sens, le tout bien évidemment amené par et entrecoupé de moments complètement loufoques et improbables grâce auxquels notre personnage avance dans ses réflexions. Entre la famille de blonds aux longues nattes vêtus de coton blanc, le philosophe de salon qui joue au ventriloque avec son chien, la pêcheuse intrépide qui nage après les poissons pour les attraper, le journaliste de pêche qui ne sait pas pêcher, et tous les autres, on n’a pas le temps de s’ennuyer. C’est ce décalage surprenant et passionnant qui m’a fait accroché à ce livre complexe jusqu’au bout et qui restera, je pense, mon meilleur souvenir de ce récit.


Résumé de l’éditeur:

De Portland aux côtes de l’Oregon, de torrents en cascades, de truites arc-en-ciel en saumons royaux, du désespoir à l’euphorie, qu’il croise un cadavre ou une sirène, Gus Orviston est un prodige de la pêche : même sans appât, il cherche à attraper l’insaisissable. Expulsé d’un paradis de lacs et d’affluents par des parents qui passent leur temps à s’envoyer leur canne à pêche au visage, Gus quitte le foyer familial et s’isole au bord d’une rivière idyllique où il peut enfin se plonger dans l’ascèse aquatique qu’il s’est choisi : la pêche. Et si pour lui la pêche résume le monde, le poisson en est l’énigme et au milieu, coule la rivière, ce méandre en forme de question, qui mène le jeu en interrogeant la vie et le bonheur. Avec drôlerie, sagesse et innocence, il nous entraîne dans sa quête du cours d’eau parfait, celui qui répondra à toutes ses questions.

La Rivière Pourquoi est un hymne à une existence réconciliée avec nos passions et nos obsessions, avec la nature et ce que nous en faisons. C’est libre, c’est foisonnant, c’est profondément tendre. David James Duncan est un conteur hors pair, capable de dépeindre les âmes comme les paysages de façon fascinante, qui nous offre dans ces pages une aventure spirituelle en forme de roman un peu fou, poétique et surtout très drôle. C’est Kesey, c’est Harrison, c’est Brautigan.


Enfin, le froid m’a envahi. Enfin, il m’a gagné de la tête aux pieds. Enfin, je me suis senti glacé et solitaire au point que toutes mes pensées, mes souffrances et mes idées se sont figées. Je n’étais plus triste. Je n’étais plus rien. Rien – un configuration aléatoire de molécules. Mon coeur battait peut-être encore, mais je ne m’en rendais pas compte. Je n’avais conscience que d’une seule chose : devant ce gouffre béant qui portait le nom de Mort, je ne savais rien, mes actes ne signifiaient rien, mes sensations ne transmettaient rien. Ce n’était pas une pensée éphémère. C’était un vide palpable qui me rongeait, plus réel que le froid. J’étais vide, un néant dénué de sens, hypnotisé sur son rocher dans le brouillard. A partir de cet instant, l’image du cadavre dérivant au fil du courant a cessé de me hanter. Ce n’était plus nécessaire : il avait fait son oeuvre.

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