
Enfin, la suite de Paradis perdus ! Eric-Emmanuel Schmitt n’a pas perdu son temps, moins d’un an entre les deux tomes, mais l’impatience était à son comble. A la manière d’une série Netflix au suspense insoutenable, nous étions tous, et surtout moi, dans l’attente de savoir ce qu’il avait bien pu advenir de Noam, héros immortel qui nous entraîne d’un temps fort de l’histoire de l’humanité à l’autre, depuis le déluge. Nous le retrouvons ici dans une période riche de nouveautés : développement de l’agriculture et du commerce, sédentarisation des populations et spécialisation des métiers, création des premières cités et invention de l’écriture. Nous plongeons avec délices dans la Mésopotamie au IVème millénaire avant Jésus-Christ, au milieu des premiers royaumes, des premières conquêtes et des premiers harems. Une époque riche, où l’humanité était en pleine effervescence.
Comme dans le tome précédent, Eric-Emmanuel Schmitt mêle habilement les récits bibliques parvenus jusqu’à nous, en les confrontant aux vérités historiques et archéologiques qui ne cessent d’apporter des précisions ou de remettre en question l’interprétation religieuse de l’Histoire. A force d’apartés en pied de page, il fait le parallèle entre le récit de Noam, sa vérité historique corroborée par des faits récemment découverts et les versions antérieures, transmises par le bouche à oreilles et plus tard couchées sur le papier pour finir un jour entre nos mains. Il est absolument fascinant de constater que, non seulement toutes les croyances sont basées sur des faits historiques avérés, mais aussi que tous les miracles ou châtiments divins s’expliquent logiquement, factuellement par ces mêmes faits historiques avérés. Si ce récit ne remet aucunement en question l’existence de Dieu, ni même des dieux, il tend à questionner les textes religieux dans leur part d’inexplicable – soyez-en averti si vous êtes croyant, ça pourrait vous déplaire.
Pour moi, ce fut cette fois encore une réussite pleine et entière. Eric-Emmanuel Schmitt nous entraîne dans les détails d’un passé qui nous est encore largement inconnu, sur les traces d’un intrépide personnage diablement attachant, avec un style accessible et des réflexions philosophiques assumées. On ne s’ennuie pas un seul instant dans ce récit rocambolesque où on apprend de nouvelles choses à toutes les pages, tout en ayant l’impression de suivre la saga la plus trépidante de l’histoire de la littérature. Vivement le troisième tome…
L’éternité n’empêche pas l’impatience : Noam cherche fougueusement celle qu’il aime, enlevée dans de mystérieuses conditions. L’enquête le mène au Pays des Eaux douces — la Mésopotamie — où se produisent des événements inouïs, rien de moins que la domestication des fleuves, l’irrigation des terres, la création des premières villes, l’invention de l’écriture, de l’astronomie.
Noam débarque à Babel où le tyran Nemrod, en recourant à l’esclavage, construit la plus haute tour jamais conçue. Tout en symbolisant la grandeur de la cité, cette Tour permettra de découvrir les astres et d’accéder aux Dieux, offrant une véritable « porte du ciel ».
Grâce à sa fonction de guérisseur, Noam s’introduit dans tous les milieux, auprès des ouvriers, chez la reine Kubaba, le roi Nemrod et son architecte, son astrologue, jusqu’aux pasteurs nomades qui dénoncent et fuient ce monde en train de s’édifier.
Que choisira Noam ? Son bonheur personnel ou les conquêtes de la civilisation ?
Dans ce deuxième tome de la saga La Traversée des Temps, Eric-Emmanuel Schmitt met en jeu les dernières découvertes historiques sur l’Orient ancien, pour nous plonger dans une époque bouillonnante, exaltante, prodigieuse, à laquelle nous devons tant.
La religion prétend à la vérité, la littérature revendique sa fausseté. De là vient sa force. Tandis que le récit religieux se veut véridique sans avoir les moyens de le prouver, la littérature se présente comme une fiction. Joueuse, libre, elle n’a cure du vrai : le vraisemblable lui suffit. L’adhésion qu’elle demande reste légère : « Suivez mon récit et vous multiplierez les émotions, les réflexions. » Maligne, elle stimule l’esprit sans l’asservir. Consciente de fabuler, elle se protège lucidement d’un mensonge grave : exiger qu’on prenne son imagination pour la réalité, condamner l’auditeur à lui obéir. Si la religion exige d’être crue, la littérature se satisfait d’enchanter. Cette humilité fournit un passeport qui lui a permis de passer les frontières de l’espace et du temps. On lit Homère, Virgile, Dante ou Tolstoï en dépit de toute conviction et société communes. La littérature rassemble quand les religions divisent. Elle s’adresse à l’humain au-delà des différences. Et le fait exister…
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