Femme du ciel et des tempêtes, Wilfried N'Sondé, Actes Sud, The Unamed Bookshelf

Alors que le territoire historique des Nenets, au fin fond de la Sibérie, est menacé par la construction d’une exploitation gazière, un chaman atypique découvre le hasard la sépulture ancienne d’une femme conservée par le permafrost. Ni une ni deux, il recontacte son ami scientifique français pour qu’il vienne étudier la tombe, espérant ainsi pouvoir mobiliser la communauté internationale et éviter la dégradation de son milieu naturel. Sacré intrigue, me direz-vous – il fallait y penser !

Cette histoire à dormir debout est avant tout un prétexte pour l’auteur d’aborder des thèmes qui lui sont chers : le réchauffement climatique, la dégradation de la faune et de la flore, l’irresponsabilité de notre modèle de société face à l’urgence écologiste, les phénomènes mystiques et la sacralisation des traditions des différents peuples, d’Afrique ou de Sibérie. Des messages intéressants et importants à mon sens, mais qui auraient peut-être mérité d’être plus subtilement distillés dans le texte et illustrés par l’intrigue, plutôt que d’être affirmés de manière aussi directe à chaque creux dans le récit.

Si le personnage de Noum m’a semblé plutôt intéressant, de part son passé au service de la Russie et son choix radical de revenir au mode de vie de ses ancêtres, j’ai été moins convaincue par les autres protagonistes, assez stéréotypés à mon sens. Le scientifique vieillissant incapable de gérer son sentiment d’échec, la jeune médecin ambitieuse refusant d’être réduite à son sexe, l’anthropologue congolais gagné par le mysticisme après avoir perdu ses plus belles années dans un job capitaliste insensé, sans parler de l’oligarque russe violent, misogyne et alcoolique, et de son acolyte local prêt à (presque) tout pour prétendre au confort de la modernité. Des personnages à gros traits donc, qui m’ont semblé insuffisamment nuancés pour servir le propos de fond du texte. Ce fut donc pour moi une lecture mitigée, pas inintéressante mais manquant un peu de finesse.


Résumé de l’éditeur :

La sépulture d’une reine à la peau noire, qui dormait sous le permafrost depuis plus de dix mille ans, vient de se révéler à un chaman de la tribu des Nenets, dans la péninsule de Yamal. Les peuples de Sibérie auraient-ils des ancêtres venus d’Afrique ?
Décidé à utiliser sa découverte pour protéger un territoire naturel menacé par l’exploitation gazière, le chaman demande de l’aide à un scientifique français et ami, dans l’espoir que celui-ci saura mobiliser les écologistes du monde entier. Le zoologue organise une expédition rapide et discrète, et sollicite pour l’épauler deux jeunes gens aussi compétents qu’idéalistes : une docteure en médecine légale germano-japonaise et un anthropologue d’origine congolaise. Un mafieux russe et son homme de main, qui tiennent à leurs projets industriels, les attendent de pied ferme…
Dans ce roman d’aventures palpitant, Wilfried N’Sondé met son ardeur au service de thématiques nécessaires – le respect de la nature, l’harmonie de l’humain et du vivant – et inspirantes – le lien, le partage et la transmission entre les peuples, ainsi que la communication entre mondes visible et invisible.


Ainsi avait débuté son initiation de chaman, avec l’acquisition d’une conscience qui donnait sa place aux leçons du passé pour comprendre le présent et envisager l’avenir. Une conception en contradiction avec la vision centrée sur les intérêts à court terme qui obsédaient la société dont il s’était éloigné. Il consacrait son temps à entrer en harmonie avec les entités invisibles mais agissantes de l’univers, en créant un lien entre les minéraux, l’ensemble du vivant – les végétaux, les animaux – et lui. Au souvenir des enseignements de son père et de ses grands-parents, il avait réappris à déchiffrer les secrets des plantes qui soulageaient les maladies, à décrypter la course complexe des astres pour s’orienter la nuit, à s’adapter aux caprices de la météo et à se familiariser avec la science des énergies qui animaient l’âme et le cœur des femmes et des hommes. En reconstituant en lui la mémoire de son peuple, il avait compris que la modernité ne s’intéressait qu’à une minuscule partie de l’humain, le réduisait à ses fonctions, à des tâches pratiques. Une conception qui ne le mesurait qu’à l’aune de son rendement économique, de son utilité, occultant ainsi les réflexions essentielles concernant ses sentiments, ses émotions et l’étendue de ses ressources spirituelles.

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