
L’adolescence, c’est souvent un moment flou, où on ne comprend pas très bien ce qui nous arrive, où on se rêve autre et où on aimerait avoir une vie plus intéressante. C’est le cas en l’occurrence de Jean-Michel Céleste, double littéraire du réalisateur Bertrand Blier, qui nous raconte ici l’année de ses quinze ans, entre famille dysfonctionnelle, premiers émois amoureux, moments de franche camaraderie et voyages à la montagne où à la mer. Voguant entre l’absurde et le le loufoque, il nous restitue des scènettes très cinématographiques, décousues et drôles, construisant un récit atypique et surprenant.
Avec une galerie de personnages tous plus improbables les uns que les autres, et des dialogues dignes des plus grands films de la Nouvelle Vague, Bertrand Blier nous offre un roman décidément inclassable. Ça pourrait être un scénario de film, mais c’est un peu plus que ça, on s’y projette facilement et on apprécie de se laisser guider par ce narrateur un peu naïf qui n’a pas sa langue dans sa poche.
Il nous entraîne dans un Paris idéalisé, celui des années 50, où les gens se parlaient à tous les coins de rue, où la vie se faisait dans les bistrots et où la libération sexuelle encourageait un mode de vie libertin. C’est une enfance comme on n’en fait plus, protégée du monde et de ses vissitudes, marquée par la liberté et la spontanéité, les machines à laver et les mariages adolescents. C’est léger, ça sent la nostalgie à plein nez et parfois, ça fait du bien.
Jean-Michel Céleste est fils d’acteur. Sa mère, Gisèle, est malheureuse, elle est trompée par son mari, toujours en tournée, elle a même essayé de se jeter par la fenêtre, rattrapée in extremis. Souvent couchée, elle dépérit, le neurologue lui rend régulièrement visite.
Jean-Michel, à quinze ans, grandit sans enthousiasme, malade un jour sur deux, des quintes de toux à n’en plus finir. Il aime écouter sa mère jouer du Chopin… Le médecin recommande qu’ils aillent passer quelques temps à la montagne, tous les deux, car à sa mère aussi le grand air devrait faire le plus grand bien.
Ils prennent le train (encore à vapeur, dans les années 50), gare de Lyon direction Le Fayet. A la montagne, le taxi serpente à travers la forêt et les dépose devant l’établissement qui accueille Jean-Michel. Il voit avec une certaine tristesse sa mère partir ; puis découvre son chalet, et rencontre le directeur, un homme plus que sévère, injuste. Heureusement, il y a là une jolie fille, dans un second chalet, Nicole. Et heureusement, il peut retrouver sa mère, sur les pistes. Et déjeuner avec elle à l’hôtel Arbois Bettex. De la terrasse, les jours de beau temps, on peut voir le Mont-Blanc. Quand on y trouve une place… Un jour, un homme leur propose de s’assoir à sa table.
Dès le début Jean-Michel sait qu’il va détester ce type de cinquante ans, trop bronzé, avec trop de dents, un type annonciateur de malheurs… De fait, une relation naît entre cet homme et sa mère. Et Jean-Michel voit des choses qu’il n’aurait pas dû voir… Il décide alors d’appeler son père à la rescousse…
L’acteur débarque à la gare avec sa valise, comme un cowboy. Avec une certaine inquiétude, Jean-Michel s’interroge sur l’issue de l’affrontement, il ne peut imaginer que lui et son père finiront bientôt à Nice, aux studios de la Victorine, en compagnie d’un géant du cinéma, et que sa vie sera marquée à tout jamais par cette rencontre…
Je suis convoqué dans le bureau du directeur, c’est le soir. On domine la station et ses mille lumières. Le directeur me regarde au fond des yeux : c’est là où le mal va se nicher.
⁃ Votre maman va rester un peu dans la station faire du ski ?
⁃ Sans doute, je réponds.
⁃ Vous allez vouloir passer le week-end avec elle ?
⁃ Sans doute.
⁃ Vous allez répondre « sans doute » à toutes les questions que je vais vous poser ?
⁃ Sans doute.
Le directeur me met une grande tarte dans la gueule, immédiatement suivie d’une autre.
Je tombe de ma chaise. Sanglots.
⁃ Vous vous foutez de ma gueule ou je rêve ?
⁃ Sans doute.
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