
Comme à son habitude, Diane Ducret surprend. Après nous avoir entraînés dans une Europe apocalyptique, elle change entièrement de registre ici, sans pour autant cesser de nous faire réfléchir. Sur les traces d’un jeune moine taoïste, elle nous emmène dans un voyage intérieur d’une grade richesse, questionnant notre rapport à nous-mêmes et notre rapport aux autres. S’embarquant à destination de l’Océan Atlantique, son personnage principal apprend à ses dépends à se laisser porter par les flots, à accepter le manque et à faire corps avec les éléments. C’est un conte philosophique touchant, vrai et indispensable en ces temps troublés.
Dans ce nouveau texte, on retrouve la sagesse de l’autrice, déjà effleurée dans La meilleure façon de marcher est celle du flamand rose, cette capacité d’introspection et de recul qui rend sa prose si profonde, ses réflexions si justes. Ce livre nous projette sur la baie du Mont Saint-Michel, au coeur des vagues et de l’esprit tourmenté de notre Chinois en quête de lui-même, suscitant pourtant des réflexions qui n’ont rien à avoir avec l’histoire de ce personnage principal si éloigné de nombre d’entre nous. Diane Ducret possède ce don de nous faire adhérer à son récit, quelle que soit l’histoire qu’elle choisit de nous raconter et elle démontre toute sa virtuosité ici, avec ce texte contemplatif inhabituel.
Je n’ai qu’un regret : ne pas avoir eu la possibilité de prendre suffisamment mon temps avec cette lecture. Forcément, le message et les réflexions proposés par l’autrice ont moins de poids lorsqu’on est coincés entre deux autres passagers dans un métro bondé. Aussi, je pense que je reprendrais ce texte la prochaine fois que j’irais, moi aussi, rendre visite à l’Atlantique, pour relire ces mots en étant bercée par le ressac, ce qui ne manquera pas de révéler toute leur richesse.
L’incroyable aventure d’un jeune orphelin destiné à devenir moine taoïste, traversant les mers à bord d’un cargo chargé de kiwis vers les rivages français. Hanté par l’idée d’apprivoiser le grand Océan, il espère que celui-ci répondra à la question qui le taraude : comment vivre quand on a perdu tout ce que l’on aimait ?
Sans relâche, il se confronte aux éléments, se heurte aux vagues, à ses doutes, à son chagrin. L’eau et le ciel, la foi et la nature, l’Orient et l’Occident se confondent. Au pied du Mont-Saint- Michel, il entreprend le plus grand des voyages, une odyssée intime, celui de l’aventure du soi.
Dans le sillage des récits bibliques, de la sagesse taoïste et des philosophies antiques, Diane Ducret nous livre un roman en forme de conte philosophique. Le Maître de l’Océan est le livre de la grande consolation de la mer en nos temps troublés.
J’avais eu peur des vagues, j’avais voulu m’opposer aux marées pour mieux dominer l’océan et ne point perdre le contrôle de ma destinée. J’avais manqué de me noyer, il m’avait recraché. Puis j’avais appris. A me laisser traverser par son courant. A ne point craindre la vague qui me fait face. A ne pas chercher à la fuir ni lui résister par la force, mais à plonger en son coeur pour la traverser. A me laisser flotter, à faire confiance aux éléments. A ne point craindre ce que je ne voyais pas sous la surface. A croire que malgré la houle qui m’assaille, à l’horizon, l’océan est toujours calme et serein. A remercier la vague qui porte en elle une énergie nouvelle. A développer la patience d’attendre une mer favorable. A respecter les forces plus grandes que moi, qui ont la bonté de m’inclure dans leur infini mouvement. A savoir que tant que l’océan m’entourait je n’étais jamais seul, qu’il était le gardien de la vie, des vies, de celles qui furent et de celles qui viendront. Que, sur le sable, la trace de mes pas ne durerait point, lavée par l’onde prochaine. Mais que le sable et l’onde, eux, demeureraient pour l’éternité.
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