
Superbe texte que celui de Victoire de Changy, publié dans la collection Récits d’objets, issue du partenariat entre le Musée des Confluences de Lyon et les Editions Cambourakis. Partant d’une robe de mariée lumineuse exposée au musée, dessinée par le styliste lyonnais Mongi Guibane, elle explore nos liens à ces tissus qui nous habillent, ce qu’ils disent de nous, ce qu’ils révèlent de nos failles tout en cherchant à les cacher, ce qu’ils nous permettent d’affirmer aux yeux du monde. Elle nous parle de sa propre robe de mariée, conservée mais reléguée au fond d’un placard, de ce manteau molletonné chiné à Moscou, et de cette veste, faite sur mesure pour elle par l’artiste Jot Fau. Victoire de Changy nous amène, en liant texte et textile, à nous interroger sur ce récit que l’on raconte en choisissant, parfois inconsciemment, nos vêtements du quotidien. Joliment écrit, c’est aussi un texte d’une grande sensibilité, un texte polyphonique où chacun se raconte à travers son rapport au vêtement – c’est très réussi.
Qu’un miracle survienne à travers lui, et qu’il subvienne à nos miracles. Voilà bien ce que l’on attend, ce que j’attends, moi, d’un vêtement.
Le costume, la tenue, la fringue, le linge, la parure, les affaires, les effets… Quel lien entretenons-nous avec nos vêtements, enveloppe indissociable de notre quotidien, qui nous accompagne de la naissance à la mort et conditionne une partie de notre rapport au monde ? Qu’il s’agisse de se costumer pour se protéger de l’extérieur, jouer un rôle social ou simplement se vêtir pour se mettre en valeur, les vêtements que l’on porte agissent comme la caisse de résonance de notre existence.
Confrontant les pratiques et les points de vue, Victoire de Changy déploie, à partir d’une robe de mariée unique, une réflexion sensible et délicate sur le rapport que l’on entretient avec nos garde-robes et leur évolution selon les moments de la vie. Elle tisse également un parallèle entre l’élaboration d’un texte et d’un textile, l’un comme l’autre requérant un soin, une attention et une connexion particulière à ce qui nous entoure.
La trame du texte, celle du tissu ; les mains dans la matière, le travail à l’épingle, au détail infinitésimal. La cohésion fait sens. Quand je pense écriture, pourtant, je pense plutôt sculpture, mais sculpture sur de la terre meuble, pas sur de la pierre : pétrir la phrase, la malaxer, la caresser, l’ébouter au couteau, repasser dessus, encore et encore, jusqu’à en valider la forme obtenue. L’étymologie comme ma perception l’indiquent : écrire m’est une fonction d’artisan, un travail de mes mains, qui les modèle plus qu’il ne les use.
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