
Qu’écririons-nous sur les gens que nous croisons au quotidien si nous prenions le temps de nous poser, plume à la main, au café d’en bas ? C’est précisément ce que fait Jacques Madelin, depuis plusieurs dizaines d’années qu’un amour avorté l’a amené à Naples, au-dessus du café Nube. Il raconte chaque jour les vies improbables et touchantes des habitants du quartier, chacun arrivé au café un beau jour avec son bagage personnel, plus ou moins lourd et plus ou moins allégé au sortir de son passage dans le récit.
Etonnant patchwork que celui-ci, qu’on sait sorti tout droit de l’imagination débordante d’Amanda Sthers, mais qui pourtant a des accents criants de vérité. Il est fascinant de voir comment, en seulement quelques pages, elle parvient à donner vie à des êtres de papier, à leur octroyer une épaisseur romanesque digne d’un roman de six cent pages alors qu’ils n’ont qu’une incursion de quelques lignes. Chacun d’entre eux nous paraît si vivant qu’on a l’impression qu’on pourrait le croiser à Naples si on décidait de s’y balader demain.
Finalement, à travers cette histoire de café suspendu, facilitant la rencontre entre les êtres, l’échange entre les âmes, mais aussi l’introspection d’un homme en mal d’ancrage, Amanda Sthers nous offre un récit sur l’humanité toute entière, avec ses failles et ses éclats, son incohérence constante et sa beauté sans égale. Il fait bon d’être vivant quand on lit un livre d’Amanda Sthers, on en ressort avec un goût pour notre quotidien quelqu’il soit et une appétence nouvelle pour le monde autour de soi. Un délice !
Le narrateur, Jacques Madelin, un Français installé à Naples après une déception amoureuse, passe le plus clair de son temps installé au café, juste en bas de chez lui, à prendre des notes en observant les personnes qui se croisent, se cachent ou se cherchent, les rencontres amoureuses ou amicales qui se tissent. La peau d’un crocodile de légende transformée en un étrange sac, une femme trompée qui s’arrange avec la maîtresse de son mari pour garder ce dernier, une jeune femme qui doit se débarrasser du foulard légué par sa grand-mère pour retrouver le goût de vivre, un écrivain aux mille visages, un homme qui a peur de dormir, et même un médecin chinois qui veut soigner les gens en bonne santé…
Tout en racontant des histoires pleines d’humanité, de fantaisie, de souvenirs, de récits historiques, légendaires ou imprégnés de psychanalyse, Jacques dessine au fil des pages un bouleversant autoportrait. C’est aussi un livre sur la charité, sur la manière dont la prodigalité se répercute sur nos destins.
Le talent de conteuse d’Amanda Sthers fait merveille, alliant grâce poétique, peinture des sentiments et évocation d’une ville à l’atmosphère unique.
Elle m’expliqua que Naples était le personnage central de son roman et que ses personnages étaient tous truffés de défauts car c’était la seule manière de donner un sentiment de vérité, elle aimait à répéter que les êtres avaient tous l’âme boiteuse et que Naples, ville schizophrène, sale et sublime, vieille, défigurée et majestueuse était la représentation de l’essence humaine, et une portrait fidèle de celle qu’elle pensait être.
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