L'homme que je ne devais pas aimer, Agathe Ruga Flammarion 2022 Coup de coeur

Il faut sacrément beaucoup de courage pour se mettre à nu sur une page blanche. Une seconde fois, Agathe Ruga se livre, se dévoile, s’expose sans faux semblants dans un roman aux indéniables accents de vérité. Elle nous raconte comment, alors qu’elle est mariée et mère de trois enfants, elle tombe amoureuse comme on tombe malade, d’un jeune homme de dix ans son cadet. Une passion réprouvée, même par l’objet de son affection, mais qui la fait sentir vivante comme elle ne l’a pas été depuis des années. C’est un retour en arrière, ravivant les souvenirs des hommes qui ont traversé sa vie, tous ces hommes que sa mère a ramené à la maison : Lolo d’abord, Dominique, Philippe…

Après Sous le soleil de mes cheveux blonds, où l’amitié prend toute la place, ici c’est le sentiment amoureux qui retourne la vie de l’héroïne, Ariane, rendue totalement impuissante par le feu qui la dévore. On comprend petit à petit que sa vie parfaite n’est finalement qu’une façade, une norme sociale dans laquelle elle ne se retrouve pas, une platitude sans excitation ni désir. S’attaquant tour à tour à toutes les idées reçues, elle nous explique que l’amour ne se commande pas, que la beauté n’y est pour rien, que la passion est éphémère par nature mais qu’il n’y a rien de plus délicieux que de s’y laisser glisser.

L’homme que je ne devais pas aimer n’est ni une confession ni un aveu, mais l’affirmation d’une femme qui défend avec panache son droit d’exister, d’aimer et de jouir, peu importe qu’elle soit mère, trentenaire et mariée – on ne devrait jamais avoir à renoncer au frisson d’un nouvel amour. Un livre incroyablement personnel, qui m’a pour autant beaucoup parlé et touchée.


« Il y a un an, je suis tombée amoureuse comme on tombe malade. Il m’a regardée, c’est tout. Dans ses yeux, dans leur promesse et ma renaissance, j’étais soudain atteinte d’un mal incurable ne laissant présager rien de beau ni de fécond. Son regard était la goupille d’une grenade, un compte à rebours vers la mort programmée de ma famille. »

Ariane, heureuse en mariage et mère comblée de trois enfants, fait la rencontre de Sandro. Cette passion se propage comme un incendie et dévore peu à peu les actes de sa vie. Ariane est en fuite. L’amour pour son mari, l’attention à son entourage, à la littérature dont elle a fait son métier, sont remplacés par des gestes irrationnels, destinés à attirer l’attention d’un quasi-inconnu. Quels démons poussent Ariane vers cette obsession adolescente ? Quels pères, quels hommes de sa vie ce jeune roi de la nuit ressuscite-t-il ?


C’est douloureux le désir. Quand vous crevez d’envie à n’en plus finir. Que votre dos se cambre instinctivement, que votre bouche s’ouvre sur le vide. Vous êtes assise en face d’un homme, vous êtes mal à l’aise et vous n’avez rien à dire, vous n’êtes plus qu’un amas de chair béat, un creux immense à la place du ventre. Vous luttez pour camoufler la tempête intérieure, vous tentez de mener une conversation normale, pourtant vous tremblez, vos paupières se ferment légèrement et vos mots ne sont qu’un vagissement sourd, vos entrailles un noeud de huit, et dans cet abandon de la raison vous espérez vainement que l’homme devine, entende, perçoive. Et même si ça vous fait mal, vous vous noyez dans la contemplation de ses mains habiles, de l’armoire de son dos, dans le profil de son sourire. L’envie est telle que vous pourriez en vomir.

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