
Qu’est-ce qu’une femme qui se détache du rôle que lui impose la société patriarcale ? Qu’est-ce qu’une femme si elle n’est plus épouse, tout juste mère ? C’est ce que questionne ici Deborah Levy avec ce texte autobiographique où elle raconte son parcours vers la liberté, une liberté loin d’être idyllique, mais qui a au moins le mérite d’avoir été choisie. A cinquante ans, Deborah Levy choisit de quitter son mari, de laisser derrière elle son mariage qui bat de l’aile, ce « navire » qu’elle n’est pas sûre de pouvoir rejoindre ni d’avoir envie de le rejoindre. Elle part, avec ses filles sous le bras, s’installer dans un immeuble délabré en haut d’une colline et se force à écrire, beaucoup, pour subvenir aux besoins de sa petite famille tronquée. Ses vieux rêves d’amour durables avaient pris l’eau, et sa liberté avait un prix – en valait-elle le coût ?
Tout en nous proposant des réflexions sur le système patriarcal et la place de la femme dans la famille nucléaire traditionnelle, Deborah Levy nous parle également de son processus d’écriture, elle qui est dramaturge, poétesse et romancière. Elle montre comment l’écriture l’a aidée pendant cette période de transition compliquée, comme la maîtrise des mots et le confort de certains textes a été un refuge en ces temps incertains. Elle se trouve une petite place dans la cabane au fond du jardin d’une amie bienveillante, s’y créé un refuge pour mettre des mots sur son quotidien, et pour se retrouver en tête à tête avec cette page blanche dont dépend la subsistance de sa famille.
Je ne connaissais pas Deborah Levy mais ce texte m’a donné très envie de découvrir ses romans, de voir son style sensible appliqué à la fiction, de retrouver ses phrases pleines de sagesse et sa lucidité sur le monde et sur elle-même. Elle raconte son quotidien de mère, d’autrice, de femme de cinquante ans, et pourtant, moi qui ne suis rien de tout ça, je me retrouve dans ses mots, dans sa pensée et dans son appréhension de notre société. J’apprécie sa façon de voir ces petits rien qui font le sel de la vie, de chérir ses amitiés et de laisser libre court à ses fantaisies. J’apprécie la force qui se dégage d’elle, et des phrases qu’elle pose sur le papier pour lui donner corps. Un très beau livre, que je relirais.
Un divorce forcément douloureux, une grande maison victorienne troquée contre un appartement en haut d’une colline dans le nord de Londres, deux filles à élever et des factures qui s’accumulent… Deborah Levy a cinquante ans quand elle décide de tout reconstruire, avec pour tout bagage, un vélo électrique et une plume d’écrivain. L’occasion pour elle de revenir sur le drame pourtant banal d’une femme qui s’est jetée à corps perdu dans la quête du foyer parfait, un univers qui s’est révélé répondre aux besoins de tous sauf d’elle-même. cette histoire ne lui appartient pas à elle seule, c’est l’histoire de chaque femme confrontée à l’impasse d’une existence gouvernée par les normes et la violence sournoise de la société, en somme de toute femme en quête d’une vie à soi.
Ce livre éblouissant d’intelligence et de clarté, d’esprit et d’humour, pas tant récit que manifeste, ouvre un espace où le passé et le présent coexistent et résonnent dans le fracas incessant d’une destinée. Le Coût de la vie tente de répondre à cette question : que cela signifie-t-il pour une femme de vivre avec des valeurs, avec sens, avec liberté, avec plaisir, avec désir ? La liberté n’est jamais gratuite et quiconque a dû se battre pour être libre en connaît le coût. Marguerite Duras nous dit qu’une écrivaine doit être plus forte que ce qu’elle écrit. Deborah Levy offre en partage cette expérience.
En ces temps incertains, l’écriture était l’une des rares activités où je pouvais gérer l’angoisse de l’incertitude, celle de ne pas savoir ce qui allait arriver. Une idée m’est venue, s’est présentée à moi, peut-être née du chagrin, mais j’ignorais si elle survivrait à mon attention flottante, sans parler de mon attention plus soutenue. Déployer des idées à travers toutes les dimensions du temps est la grande aventure d’une vie passée à écrire. Sauf que je n’avais nulle part où écrire.
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