
Un homme. Une femme. Une attirance irrépressible, comme une évidence. Une peur : celle de briser une amitié précieuse. Puis l’élan, l’aveu de l’amour qui consume, le début d’une histoire. Une réalité qui rattrape les amoureux, surtout quand ils ont le malheur d’être noirs de peau. La perte, blessure imprimée au fer rouge sur cette peau qui n’en a que trop connus, des fers. Comment s’aimer dans un monde voué à la haine de l’autre ? Comment croquer la vie à pleine dents quand une mort arbitraire peut vous tomber dessus à chaque coin de rue ?
J’ai beau ne pas me sentir légitime pour parler de la condition noire et ne pas avoir lu beaucoup de livres là-dessus, je dois dire que j’ai été particulièrement bouleversée par la manière dont Caleb Azumah Nelson amène le sujet ici. Sous couvert d’une histoire d’amour comme une autre, il distille de petites anecdotes, de petites blessures, de petites difficultés pour petit à petit nous montrer la forme insidieuse de cette menace, surtout pour les hommes noirs. Il nous montre comment la discrimination infiltre tous les moments de la vie, qu’ils ne peuvent juste oublier et faire avec, qu’ils sont renvoyés sans cesse à leur couleur de peau, à ce qu’elle représente dans les yeux des autres, à ce qu’elle implique pour leur survie.
J’ai été très impressionnée par la maîtrise dont faisait preuve ce primo-romancier, tant sur le style avec son choix très audacieux de rédiger ce récit à la deuxième personne du singulier, que sur l’intrigue qu’il déroule parfaitement, créant de l’attente, apportant un rebondissement juste au moment où on commence à s’impatienter, virant de bord quand on s’y attend le moins. Bravo également à la traductrice, qui a su rendre toute la virtuosité du style, trouver les mots pour faire revivre les images lancinantes créées par l’auteur. Un magnifique roman, à lire absolument.
Deux jeunes gens se cherchent du regard dans un pub londonien, échangent quelques mots, se revoient. Lui tente de percer dans la photographie, elle est danseuse. Ils partagent la même ambition, les mêmes blessures et bientôt un amour aussi fusionnel que tendre.
Open Water raconte ce que c’est d’être noir dans une ville qui tantôt vous acclame, tantôt vous rejette. Une ville où l’on vous regarde plutôt que l’on vous voit. Le racisme insidieux qui abîme et la peur qui étreint lorsqu’on sort de chez soi. La violence à laquelle on ne peut échapper et l’amour qui n’y résiste pas.
Histoire d’une passion déchirante et réflexion sur la condition noire et la masculinité, Open Water éblouit par la puissance de sa langue, musicale et sensorielle.
C’est l’été, et tu crèves d’envie de mener une vie plus simple. Tu as envie de lire. Tu as envie d’écrire. Tu as envie de dîner avec des gens que tu ne connais pas et de ne plus refuser un autre verre dans un autre bar. Tu as envie de danser. Tu as envie de te retrouver dans une cave, à dodeliner de la tête, le cou relâché, devant un groupe de musiciens qui jouerait non pas parce que c’est leur boulot, mais parce ce que c’est important pour eux. C’est l’été et tu voudrais être moins inquiet. Tu as hâte que les nuits soient plus longues et les journées plus courtes. Tu as hâte de te retrouver dans des jardins et de voir la viande grésiller sur le barbecue. Tu as hâte de rire trop fort, à t’en faire mal aux côtes, et d’avoir la tête qui tourne. Tu as hâte de retrouver la sécurité du plaisir. Tu as hâte d’oublier, ne serait-ce qu’un instant, cette peur existentielle qui te plombe, qui te serre le coeur, qui t’inflige tant de douleurs dans la poitrine. Tu as hâte d’oublier qu’en quittant la maison, tu n’es jamais sûr de rentrer entier. Tu as hâte d’être libre, même si c’est pour un court moment, même si ça ne dure pas. Tu as hâte.
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Tagué:Rentrée littéraire 2022
Beaucoup de style. L’auteur m’a parfaitement fait ressentir la peur viscérale du personnage.
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