L'homme qui danse, Victor Jestin, Flammarion, The Unamed Bookshelf, Rentrée littéraire 2022

Les boîtes de nuit créent, dans notre société moderne, des espaces de rencontre détachés des codes sociaux habituels, enjolivant la réalité à coup de stroboscopes et de verres de mauvais alcool dilué. Une sorte de paradis pour tous les associables et solitaires maladifs de ce monde, comme le héros de ce roman. La vie de ce héros est inintéressante au possible : job alimentaire, appartement nu, cercle amical inexistant, relations amoureuses réduites au néant, interactions familiales assurées ponctuellement par devoir. Seul passe-temps d’Arthur : aller à La Plage, la boîte de nuit du coin, plusieurs soirs par semaine. Là-bas, dans l’obscurité bienfaisante, il danse sans retenue, il devient le roi du dancefloor, il parvient enfin à se débarrasser de tout ce qui l’entrave au quotidien. Mais comment exister en dehors du monde de la nuit ?

Singulier exercice que celui de raconter l’histoire d’un homme dont la vie se résume à si peu de choses. Arthur n’est ni véritablement un héros, ni vraiment un anti-héros, il est transparent, inexistant, en un mot, profondément chiant. Pour autant, le roman n’est pas tellement ennuyeux, on se laisse entraîner dans cette drôle d’ambiance, dans cette étrange vie qui est la sienne, dans cette pesanteur des jours qui se traînent en attendant la nuit. On sent cet homme dépassé par sa propre solitude, à la recherche d’un échappatoire pour parvenir à nouer des liens, même superficiels avec d’autres.

Victor Jestin nous offre finalement un roman sensible, assez éclairant sur la dissension des liens humains dans notre société du paraître et sur la solitude induite par nos nouveaux modes d’interaction. C’est un récit qui se lit bien, sans pour autant créer la surprise ou l’attente. En somme, c’est une incursion dans le monde de la nuit et de la solitude maladive dont le souvenir risque de ne pas s’imprimer dans ma mémoire.


Résumé de l’éditeur:

La Plage est le nom de la boîte de nuit d’une petite ville en bord de Loire. C’est là qu’Arthur, dès l’adolescence et pendant plus de vingt ans, se rend avec frénésie. Dans ce lieu hors du temps, loin des relations sociales ordinaires, il parvient curieusement à se sentir proche des autres, quand partout ailleurs sa vie n’est que malaise et balbutiements. Sur la piste de danse, il grandit au gré des rencontres – amours fugaces, amitiés violentes, modèles masculins écrasants. Au fil des ans, il se cherche une place dans la foule, une façon d’exister. Jusqu’où le mènera cette plongée dans la nuit ?
De son écriture précise, Victor Jestin nous conduit au plus près de l’intimité d’un homme qui lutte avec sa solitude, dans l’espoir obsédant d’aimer.


Au fond tout ces gens rêvaient de quitter cet endroit. La boîte n’était que leur lieu de passage, leur lieu de chasse. Il suffisait de les regarder pour le comprendre. La plupart se fichaient de la danse, cela se voyait dans leurs yeux, dans leurs corps pressés ; ils ne pensaient qu’à trouver quelqu’un et s’enfuir avec. Dans leur urgence à jouir il ne profitaient de rien, bâclaient la fête pour vite conclure, coucher, se délester de leur désir. J’aurais voulu les retenir, que la nuit ne se termine jamais, qu’une sorte de lave ou de brume entoure la boîte et nous force tous à y faire notre vie, à y dormir, à y rester.

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