
23h12, quatorze personnages plus ou moins vivants, plus ou moins humains se croisent sans véritablement se rencontrer sur une aire d’autoroute. Après un premier chapitre introductif, Adeline Dieudonné explore chacun de ces individus tour à tour, dans des chapitres qui leur sont dédiés. Une femme plus dure qu’une lame de couteau, une nounou philippine soumise à des règles dégradantes, une mannequin torturée par l’image des dauphins, une famille de gynécologues complètement barjo, des hommes seuls prêts à tout pour tirer leur coup ou avoir un peu de tendresse, un cheval à la vie pleine de péripéties, une femme traumatisée par l’assassinat de ses voisins… Toute une galerie de personnages qui se sont fait salement rouler dessus par la vie, réunis là par le plus grand des hasard, sans que ça ne change quoi que soit dans leur trajectoire de vie.
Recueil de nouvelles, roman social ou roman noir, il est difficile de ranger ce texte dans une catégorie précise. Il n’y pas vraiment de cohérence d’ensemble, juste une unité de temps et de lieu bien vite brisée par l’exploration parallèle des histoires individuelles de chacun des personnages. Certains récits nous ramènent à la raison de leur présence sur cette aire d’autoroute à ce moment-là, à ce qu’il s’y passe – mais d’autres non. J’ai bien souvent mélangé tous les personnages et suis régulièrement revenue aux pages précédentes, voire au premier chapitre pour essayer de m’y retrouver. Mais était-ce nécessaire ? On peut simplement lire ce livre de manière décousue, en appréciant l’humour atrocement noir de l’autrice, qui utilise chacun des personnages pour faire ressortir les horreurs du quotidien : exploitation des populations défavorisées, domination d’un sexe par l’autre, lutte des classes, violence ordinaire, pédophilie affichée.
Même si j’ai apprécié cette lecture, j’ai tout de même eu un sentiment de déjà vu, ayant lu précédemment (et beaucoup aimé) Aires de Marcus Malte, qui reprend le même schéma narratif, tout en allant plus loin dans la collision des destins et dans l’exploration des thèmes sociaux et sociétaux imagés par chacun des personnages.
Une station-service, une nuit d’été, dans les Ardennes. Sous la lumière crue des néons, ils sont douze à se trouver là, en compagnie d’un cheval et d’un macchabée. Juliette, la caissière, et son collègue Sébastien, marié à Mauricio. Alika, la nounou philippine, Chelly, prof de pole dance, Joseph, représentant en acariens… Il est 23h12. Dans une minute tout va basculer. Chacun d’eux va devenir le héros d’une histoire, entre lesquelles vont se tisser parfois des liens. Un livre composite pour rire et pleurer ou pleurer de rire sur nos vies contemporaines.
Comme dans son premier roman, La Vraie Vie, l’autrice campe des destins délirants, avec humour et férocité. Elle ne nous épargne rien, Adeline Dieudonné : meurtres, scènes de baise, larmes et rires. Cependant, derrière le rire et l’inventivité débordante, Kerozène interroge le sens de l’existence et fustige ce que notre époque a d’absurde.
Roger pétait. Dans son pantalon en toile beige qu’il portait haut, la ceinture juste sous les côtes. Marie et Olivier faisaient mine de ne pas le remarquer mais il pétait, avec le naturel et la décontraction d’un enfant de deux ans. Merde. Ces choses là peuvent arriver mais on s’excuse. On rougit un peu, on se tortille, on invoque des problèmes intestinaux, je sais pas. Et la complicité des deux autres. Ce silence. J’avais fini par penser que c’était une conspiration contre moi. Une forme de coalition compacte entre père, mère et fils.
Plus d’informations et de citations sur Babelio.
Le procédé est intéressant. Je serai plutôt tentée par le livre de Marcus Malte.
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Même sentiment. Autant j’avais « la vraie vie », autant je ne me suis pas senti accrochée par ces histoires. Par contre, son style est toujours autant attirant et fort.
Je ne ne connais pas Marcus Malte
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