L'heure des oiseaux, Maud Simonnot, Editions de l'Observatoire, The Unamed Bookshelf, Rentrée littéraire 2022

Au large des côtes françaises se trouve la petite île de Jersey, connue pour être un paradis de surfeurs et de riches investisseurs en quête d’évasion fiscale. Mais cette île, sous ces dehors idylliques, cache de noirs secrets, que nous raconte ici Maud Simonnot, en revenant sur la fermeture d’un orphelinat à la fin des années 80 suite à un scandale vite étouffé ayant révélé des maltraitantes sur les enfants. Dans ce récit, c’est la fille d’un ancien pensionnaire, Simon, qui vient sur l’île pour tenter de comprendre ce qui est arrivé à son père, ce qu’il avait vécu à l’orphelinat et comment il avait réussi à en sortir.

Alternant les points de vue et les époques, Maud Simonnot raconte tour à tour le quotidien de Lily et Simon à l’orphelinat et l’enquête menée par la fille de ce dernier, créant une tension palpable tout au long du récit. Quelques bribes nous sont dévoilées petit à petit, nous amenant à nous questionner en permanence sur ce qui a bien pu se passer, jusqu’à ce que toutes les pièces du puzzle nous soient finalement dévoilées. Le récit nous maintient en haleine, aussi bien grâce à l’ambiance pesante, à laquelle s’accorde bien le paysage sans pitié de l’île, que grâce au style précis et sans fioritures de l’autrice, qui mêle habilement le ton tranchant des passages difficiles à la musicalité du chant des oiseaux.

Sous ses dehors d’enquête presque policière, c’est avant tout une histoire qui permet d’évoquer les violences et aggressions subies par les enfants en toute impunité dans plusieurs cadres, et notamment celui des institutions, éducatives ou religieuses. C’est la noirceur de l’homme dans sa plus simple expression, mais aussi la honte collective à vouloir cacher ces horreurs pour préserver le statut du paradis fiscal, que l’autrice dénonce, à l’aide d’une histoire qui, pour autant, ne manque pas de poésie.


Résumé de l’éditeur :

Île de Jersey, 1959. Pour survivre à la cruauté et à la tristesse de l’orphelinat, Lily puise tout son courage dans le chant des oiseaux, l’étrange amitié partagée avec un ermite du fond des bois et l’amour inconditionnel qui la lie au Petit.

Soixante ans plus tard, une jeune femme se rend à Jersey afin d’enquêter sur le passé de son père. Les îliens éludent les questions que pose cette étrangère sur la sordide affaire qui a secoué le paradis marin. Derrière ce décor de rêve pour surfeurs et botanistes se dévoilent enfin les drames tenus si longtemps secrets.


Alors que je m’apprêtais à partir, j’aurais juré qu’une ombre avait passé derrière la fenêtre d’Adèle et qu’elle nous avait entendues. Je m’éloignai dans la rue avec la sensation de son regard pesant dans mon dos. J’aurais dû répondre à sa soeur que, pour ce qui était de l’oubli, elles avaient réussi : l’île pour mon père était un trou noir. La part manquante de son enfance et ce drame vécu et tu avaient créé chez lui cette fragilité, cette insécurité, ces crises qui le confrontaient à l’abîme du temps et l’avaient régulièrement fait désirer mourir. Du plus loin qu’il s’en souvienne, l’angoisse était présente. Elle venait directement de cet immense vide créé par l’arrachement brutal d’une part essentielle de lui-même, à un âge trop tendre. Mon père, ouvert dès lors à tous les vents, avait été condamné à voir son existence s’écouler en surface.

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