
Après s’être attaquée aux hystériques de Charcot dans Le bal des folles, Victoria Mas continue sur sa lancée en abordant un autre sujet dérangeant, bien différent : celui des apparitions mariales, quand certains assurent avoir vu la Vierge Marie. Dans ce nouveau roman, elle nous embarque dans un coin reculé de Bretagne, la baie de Roscoff et la petite île de Batz, battue par les vents, plus soumise aux éléments naturels qu’aux caprices des dieux, bien que sa population reste étonnamment pieuse. Le récit s’ouvre sur l’arrivée de Soeur Anne, laquelle quitte pour la première fois le giron de son couvent parisien, dans l’espoir que se réalise la prophétie d’une autre soeur, qui lui a prédit que la Vierge lui apparaîtrait en Bretagne. Pour autant, ce n’est pas à elle que sera accordée la divine vision, créant tout une série de rebondissements dramatiques sur la petite île du Finistère Nord…
Une nouvelle fois, j’ai été tout de suite projetée dans l’univers que nous décrit Victoria Mas, dont la plume d’une précision implacable parvient à rendre très vivants les détails du paysage, les physiques des personnages, les traits de caractères saillants de chacun d’entre eux. Ils sont quelques uns autour desquels le récit s’articule, sans que l’on voit d’abord comment leurs destins vont finir par s’entrelacer, ce qu’elle nous révèle, un peu comme elle l’avait fait dans Le bal des folles, dans un dernier grand coup d’éclat. Cette manière de construire le récit installe une certaine tension qui nous happe entièrement.
Avec ce texte, elle interroge le rapport au divin, plus ou moins désintéressé, plus ou moins honnête, de chacun des personnages. Il y a eux qui croient pour se gonfler d’importance, ceux qui croient pour donner un sens à leur existence, ceux qui croient plus aux superstitions qu’aux messages de la Bible, ceux qui ne croient plus vraiment mais continuent à scruter le ciel à travers la lunette d’un téléscope, ceux qui ont arrêté de croire quand l’univers leur a pris ce qu’ils avaient de plus précieux. Ce récit interroge la notion de croyance, jamais vraiment dénuée d’égo, et aux répercussions que les croyances individuelles peuvent avoir sur une communauté.
Sœur Anne, religieuse chez les Filles de la Charité, reçoit d’une de ses condisciples une prophétie : la Vierge va lui apparaître en Bretagne. Envoyée en mission sur une île du Finistère Nord balayée par les vents, elle y apprend qu’un adolescent prétend avoir eu une vision.
Mais lorsqu’il dit « je vois », les autres entendent : « J’ai vu la Vierge. » Face à cet événement que nul ne peut prouver, c’est toute une région qui s’en trouve bouleversée. Les relations entre les êtres sont modifiées et chacun est contraint de revoir profondément son rapport au monde, tandis que sur l’île, les tempêtes, les marées, la végétation brûlée par le sel et le soleil semblent annoncer un drame inévitable.
Elle n’avait pas la force de se lever encore : certains songes exigent d’en revenir lentement, demandent une patience que connaissent ceux que la nuit réveille, ceux qui savent qu’il leur faut attendre, quitter ce monde où l’esprit s’est égaré, retrouver leur place dans leur corps.
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