
Un psychanalyse décide de s’accorder un temps plein et entier d’introspection dans une maison d’hôtes isolée des îles japonaises, et nous entraîne dans son long cheminement au cœur de toutes ses pensées et émotions inavouées voire consciencieusement refoulées. C’est un récit doux et contemplatif, une plongée dans l’âme humaine et toutes ses complexités. C’est aussi un voyage, au sens très littéral du terme, qui nous donne à voir l’importance des paysages qui nous entourent, ce qu’ils disent de nous et de nos fragilités, ce qu’ils nous apportent de confort et de certitudes.
Jeanne Benameur explore ici avec beaucoup de sensibilité les mécanismes psychologiques à l’œuvre en chacun de nous, qui tentent de nous protéger sans que nous en ayons forcément conscience et qui finissent souvent par nous empêcher plus qu’autre chose. Dans une démarche similaire à, et pourtant très éloignée de, celle d’Irvin Yalom, autre auteur que j’aime beaucoup et qui écrit sur ces sujets, elle met en lumière le temps long d’un nécessaire travail sur soi, le dépouillement de la pensée indispensable pour arriver à confronter ses propres limites et la bienveillance patiente qu’il faut avoir envers soi-même pour arriver à capter les petits indices qui nous mèneront à une meilleure compréhension de nous-mêmes.
Une fois refermé, ce livre a laissé en moi beaucoup d’images de kintsugi, ces porcelaines réparées à la poudre d’or, mettant en valeur les fractures, les fragilités de l’objet autant que sa beauté intrinsèque. J’ai beaucoup apprécié ce texte très réflexif et lent, moi qui suis pourtant peu patiente dans mes lectures habituellement. L’autrice a su, à mon sens, injecter la petite dose de suspense nécessaire pour tenir son lecteur, tout en comblant par ailleurs son texte de superbes descriptions, de moments poétiques et d’une admirable analyse de la psychologie de son personnage principal. Une très belle découverte.
Psychanalyste, Simon a fait profession d’écouter les autres, au risque de faire taire sa propre histoire. À la faveur d’une brèche dans le quotidien – un bol cassé – vient le temps du rendez-vous avec lui-même. Cette fois encore le nouveau roman de Jeanne Benameur accompagne un envol, observe le patient travail d’un être qui chemine vers sa liberté. Pour Simon, le voyage intérieur passe par un vrai départ, et – d’un rivage à l’autre – par le lointain Japon : ses rituels, son art de réparer (l’ancestrale technique du kintsugi), ses floraisons…
Quête initiatique qui contient aussi tout un roman d’apprentissage bâti sur le feu et la violence (l’amitié, la jeunesse, l’océan), c’est un livre de silence(s) et de rencontre(s), le livre d’une grande sagesse, douce, têtue, et bientôt, sereine.
Il y dans la vie des moments où l’esprit se déploie. Une voie s’ouvre, inconnue. La réalité familière cède la place. Ce qui est resté longtemps inconnu au fond de nous s’offre soudain. Epiphanie ? Moment de grâce ? Folie ? Pourtant nous sommes bien toujours où nous sommes et nous pouvons même en assurer notre conscience si nous le souhaitons. Nous pouvons regarder autour de nous, nous sommes bien assis sur une chaise de bureau ou sur un siège de métro, nous attendons dans un embouteillage ou nous écoutons une conférence, mais un mot, une image, un son nous a soustraits à la réalité. Nous avons été « raptés ». Littéralement ravis au monde. Bien sûr nous demeurons où nous sommes mais notre présence vive, vraie, est ailleurs. Et dans cet ailleurs nous sommes présents aussi. Tout autant que dans la réalité que nous vivons. Nous y pénétrons comme si nous découvrions une pièce inconnue de notre propre maison. Et cet ailleurs éclaire soudain tout un pan de notre vie.
Plus d’informations et de citations sur Babelio.
Merveilleux roman, une fois de plus
J’aimeAimé par 1 personne