
Quelle déception pour Romain d’Astéries lorsqu’il découvre qu’il n’est pas affecté à l’académie de Guyane mais à celle de… Clermont-Ferrand ! Lui qui rêvait de descendre le Maroni en pirogue et de tracer son chemin dans la jungle à coups de machette, il va être servi ! Loin de laisser ce malentendu tuer dans l’oeuf toutes ses velléités de transformer l’Education Nationale, il se dédie corps et âme à la mise en place d’innovations pédagogiques, à l’interdisciplinarité et à sortir des sentiers battus dans lesquels la directrice de l’établissement auvergnat aurait bien aimé qu’il reste. Il a beau de couvrir de ridicule, il finit quand même par faire un sacré coup d’éclat, et par comprendre qu’il n’y a peut-être pas que l’étranger qui compte dans la vie…
Cet antihéros snob au possible imaginé par Clément Bénech m’a beaucoup amusée, avec ses grands idéaux sur l’ouverture à l’autre, lui qui est incapable de s’intéresser un tant soi peu à ce coin perdu de la France où le destin l’a fait échouer. Obnubilé par son envie d’ailleurs, il ne se rend même pas compte de son détestable comportement – et on rigole bien quand deux frères d’origine roumaine décident de le prendre à son propre jeu. Il faut dire qu’on se tient les côtes pendant une bonne partie de ce roman fantaisiste où tout est pensé pour nous faire rire du personnage principal, dont les réflexions aberrantes ne sont finalement qu’un reflet de ce qu’on entend souvent dans les milieux aisés, intellectuels et urbains.
C’est amusant de voir comment un petit récit comme celui-ci, tout en étant sacrément divertissant, peut nous amener à prendre un peu de recul sur nous-mêmes, à réévaluer ce qui se trouve sous notre nez et à questionner les courants de pensée parfois bêtement « innovants ». Exercice réussi donc pour Clément Bénech qui signe ici un roman intelligent et très agréable à lire.
Issu d’une lignée d’architectes et d’ingénieurs bordelais, Romain d’Astéries a décidé de rompre avec la tradition familiale. Pour lui, ce sera l’enseignement. Et qu’on ne lui parle pas de Bordeaux, c’est en Guyane que le futur professeur a demandé son affectation : il pourra explorer là-bas des pédagogies nouvelles, en toute liberté, loin des siens comme du rigorisme des programmes officiels. Mais un bug du logiciel de l’Éducation nationale l’expédie finalement en Auvergne, dans un petit collège de campagne. Sa soif d’exotisme et de nouveauté y rencontrera de nombreux obstacles, à commencer par ses collègues et ses élèves, déroutés par ses méthodes d’enseignement révolutionnaires et son obstination à vouloir les ouvrir au monde, pour leur faire rencontrer l’altérité. Et si l’autre, c’était tout simplement lui ?
Avec ce quatrième roman, Clément Bénech signe une comédie sur les aventures d’un jeune enseignant idéaliste, lointain cousin de Don Quichotte.
– Bon, mon vieux, la suite du sketch… Je suis allé dîner avec le père Grange. Un vague plat régional, pas mauvais… Mais le bonhomme lui-même, typique ! Il rapportait tout à son village, à sa cuisine, à sa région.. L’Auvergne par-ci, l’Auvergne par-là… Mes recommandations, mes dépliants… Avec ces gens, c’est toujours « mes racines, ma maison, ma cuisine », et jamais les racines, la maison, la cuisine de l’autre. Penses-tu qu’il en aurait profité pour s’intéresser à la Guyane, non ! Toujours cette France qui s’enorgueillit – et rien au-delà de son ruisseau, de sa vallée… Le regard commence par soi, toujours. Et la curiosité, dans tout ça ? Bon, ce sont dix mois à tirer ici. Puis grandes vacances, et je débarque à Cayenne ! Après quoi, peut-être Mayotte, la Réunion… et enfin les lycées français de l’étranger. La vie est longue ! Et la nuit promet de l’être aussi.
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