
Dans un contexte où le capitalisme semble s’être essoufflé au point de ne plus constituer un système viable pour notre société; il m’a semblé très intriguant d’apprendre à connaître ce « Trésorier-payeur » qui n’en est pas un, ce personnage fantasque que rien ne destinait à travailler dans une institution bancaire mais que son entêtement et son improbable quête de vérité ont amené à y faire carrière. A-t-on jamais entendu parler d’un banquier entièrement désintéressé ? Mieux, un banquier accueillant des pauvres surendettés dans la dépendance au fond de son jardin avant de collaborer avec Emmaüs pour leur trouver du travail ? Certains l’appelaient le « banquier-anarchiste », d’autres le prenaient véritablement pour un illuminé, mais Georges Bataille était bien plus que ça, un esprit libre, guidé seulement par sa recherche de transcendence et son amour de la volupté.
Soyons honnêtes, le début de ce récit a failli me faire abandonner cette lecture. Yannick Haenel n’a pas réussi à m’accrocher avec son propos introductif un peu perché où il explique sa participation à cette exposition dans les anciens locaux de la Banque de France de Béthune, laquelle l’a amené à s’intéresser au personnage du Trésorier-payeur. Pourtant, j’ai persévéré et beaucoup plus apprécié le récit par la suite, trouvant assez fascinant ce personnage complètement décalé. On ne comprend pas très bien ce qu’il cherche dans ce monde qui semble à mille lieues du sien, et pourtant, on finit par se passionner à ses côtés pour ses recherches nocturnes et ses envolées philosophiques.
C’est intéressant de voir comment, à travers un texte très littéraire, sur un sujet finalement assez romanesque, Yannick Haenel parvient à nous amener des réflexions sur l’état du capitalisme et ses dérives, sur les moments-clés qui ont entraîné la complète dérégulation du marché, sur les mécanismes idéologiques à l’oeuvre derrière ce qui n’était initialement qu’une monnaie d’échange. C’est donc toute une réflexion philosophique sur notre monde que le personnage atypique de Georges Bataille offre, et c’est une richesse incroyable, pour peu qu’on s’accroche un peu ! La prose de Yannick Haenel en elle-même m’a parfois perdue mais m’a également offert de magnifiques passages que je garde précieusement et aurais plaisir à relire.
C’est l’histoire d’un banquier qui veut tout dépenser.
Au début des années 90, le jeune Bataille arrête la philosophie pour s’inscrire dans une école de commerce et décroche son premier poste à Béthune, dans la succursale de la Banque de France.
Dans cette ville où la fermeture des mines et les ravages du néolibéralisme ont installé un paysage de crise, la vie du Trésorier-payeur devient une aventure passionnée : protégé par le directeur de la banque, Charles Dereine, il défend les surendettés, découvre le vertige sexuel avec Annabelle, une libraire rimbaldienne, s’engage dans la confrérie des Charitables, collabore avec Emmaüs et rencontre l’amour de sa vie, la dentiste Lilya Mizaki.
Comment être anarchiste et travailler dans une banque ? Peut-on tout donner ? Yannick Haenel raconte comment il est possible, par la charité et l’érotisme, de résister de l’intérieur au monde du calcul.
Il n’y a rien de plus beau qu’un roman qui s’écrit ; le temps qu’on y consacre ressemble à celui de l’amour : aussi intense, aussi radieux, aussi blessant. On ne cesse d’avancer, de reculer, et c’est tout un château de nuances qui se construit avec notre désir : on s’exalte, on se décourage, mais à aucun moment on ne lâche sa vision. Parfois un mur se dresse, on tâtonne le long des pierres, et lorsqu’on trouve une brèche, on s’y rue avec un sentiment de liberté inouïe. Les lueurs, alors, s’agrandissent, et c’est toute une mosaïque de petites lumières qui s’assemble peu à peu, jusqu’à former non seulement un soleil, mais aussi une lune : un univers complet, avec ses nuits et ses jours.
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