
Êtes-vous prêts à démêler le vrai du faux ? A faire la part des choses entre l’imaginaire, le complot et la réalité ? Comment allez-vous savoir où se cache la vérité ? Est-elle dans le récit de Gary Sanz, dans le récit de Dipak Singh, dans les cahiers de Sylvia ou dans l’enquête du vieux Ross Pierce ? Marcus Malte fait ici un coup de maître en enchâssant plusieurs récits dans une même intrigue, baladant patiemment son lecteur de narrateur en narrateur, chacun avec sa propre sensibilité, ses propres biais et sa propre vision des événements. A la fin de chaque partie, on se dit qu’on a compris quelque chose d’essentiel et qu’il est évident que… avant que toutes certitudes soient remises en doute par les pages suivantes.
Véritable coup de maître, ce roman est une critique acerbe de notre époque, où plus rien ni personne n’est vraiment fiable, où les petites gens vivent leur vie tranquillement sans vraiment savoir qui tire les ficelles derrière, victimes oublieuses d’un système où les intérêts du capital priment sur le bien-être le plus élémentaire – oui, j’ai totalement adhéré à la théorie du complot proposée par le livre, beaucoup plus intéressante que celle de la simple folie d’une bande de gens n’ayant pas la lumière à tous les étages. Marcus Malte explore les aberrations d’un monde qui se réclame de la liberté mais finalement n’en offre aucune, où l’inventivité et le progrès technologique n’est qu’une chimère maîtrisée par les puissants, passés maîtres dans l’art de la désinformation.
Derrière ces différents récits et différents personnages, ce sont les rouages de l’imaginaire collectif que l’auteur explore : comment en arrive-t-on à formuler des théories du complot ? Pourquoi est-ce toujours plus tentant de croire à des machinations mondiales mal intentionnées qu’à une simple divagation de l’esprit ? Comment rédige-t-on une histoire pour faire croire à un complot ? C’est absolument vertigineux, et ça nous amène à questionner notre perception et notre crédulité : si un auteur peut nous faire croire n’importe quoi dans un roman comme celui-ci, qu’est-ce qu’on gobe exactement au quotidien sans s’en rendre compte ? Marcus Malte a encore frappé un grand coup avec ce texte retors, et confirme sa place au Panthéon de mes auteurs préférés.
Qui ne connaît pas un de ces inventeurs géniaux dont la découverte reste à jamais inconnue, empêchée ou censurée ? Phily-Jo est de ceux-là. Sa machine à énergie libre, la FreePow, est révolutionnaire. Si visionnaire et dérangeante que la mort brutale de Phily-Jo demeure un mystère pour ses proches. Meurtre ou suicide ? Est-ce le combat de David contre Goliath, une conspiration du grand capital prompt à freiner tous les progrès humanistes ?
Dans un infernal jeu de poupées gigognes, les héritiers et disciples de Phily-Jo se lancent tour à tour dans une quête de vérité qui les mène au cœur du Texas, ses couloirs de la mort et ses champs pétrolifères. Mais qui croire, à la fin ?
Avec un humour décapant, Qui se souviendra de Phily-Jo ? est le roman de toutes les manipulations –emprise du capitalisme, mensonge, complot, ou pouvoir du récit… Vertigineux et époustouflant !
c’est l’un des principes du conspirationnisme : on s’empare d’un fragment au départ insignifiant, on le grossit, on le brandit et on n’hésite pas à le tordre, à le retailler, à en redécouper les contours afin de pouvoir l’insérer à tout prix dans le puzzle.
Plus d’informations et de citations sur Babelio.
Tagué:Marcus Malte