
Après Soleil de juin, Thomas Oussin s’attaque ici à un sujet autrement plus noir : celui de la maltraitance des enfants par leurs parents. Cette histoire est celle de Victor et Amandine, deux enfants séquestrés par leur mère pendant près de deux ans, enfermés dans leur chambre sans nourriture ni sanitaires avant d’être carrément jetés dans un placard sombre. Pour ces enfants, pourtant habitués aux sautes d’humeur de leur mère instable depuis le départ de leur père, c’est l’incompréhension d’abord, et viennent ensuite l’apprentissage de la survie, la déshumanisation progressive. Enfin libre, Victor raconte ce passé traumatique, sa drôle de cohabitation avec cette grand-mère maladroite mais aimante qu’il découvre, la nécessité de repartir à zéro là où personne ne sait ce qu’il lui est arrivé.
Ce qui m’a frappée dans ce texte, c’est la façon dont le narrateur parle de sa mère, qui finalement est plus proche d’un bourreau que d’une figure maternelle. Il y a dans tous ses propos cette ambivalence entre la « maman » aimée et cette personne froide et cruelle capable de séquestrer ses propres enfants. Comme si l’auteur cherchait à suggérer une bipolarité du personnage, son fils distingue les deux facettes de sa personnalité, cherchant toujours à retrouver sa mère derrière le cauchemar qu’il vit – d’ailleurs, le texte se termine sur cette phrase : « C’est ma mère après tout. » Peut-on, doit-on, continuer à aimer d’un amour filial ceux qui nous font du mal ? Les liens du sang sont-ils plus forts que tous les actes de cruauté ? Vaste question, traitée ici en filigrane.
Si j’ai choisi de retenir de ma lecture ces considérations plus philosophiques, j’ai tout de même été très marquée par l’atmosphère du récit, cette angoisse pesante, cette menace sourde que l’auteur maintient avant de nous assener sans pitié la chute tragique de cette histoire. Oui, Victor s’en est sorti, mais à quel prix ? Je vous laisse le découvrir…
Pendant ces six cent douze jours, le silence et l’obscurité ont été mes seuls amis. Presque les seuls. Victor, dix-sept ans, vit depuis quelques années chez sa grand-mère maternelle, Ma, dont la gouaille vindicative cache l’amour qu’elle lui porte. Un simple geste a fait basculer leur vie : une porte fermée à double tour quand Victor était âgé de six ans et sa sœur Amandine de neuf ans.
Habitués à subir la colère de leur mère, les deux enfants pensent ce jour-là l’avoir contrariée sans raison et n’y prêtent guère attention. Mais quand Victor insiste pour qu’ils sortent de la pièce, sa mère répond qu’elle ne veut plus les voir, sa sœur et lui. L’enfer commence alors. À double tour est un roman noir qui nous tient en haleine et nous révolte. C’est aussi une histoire bouleversante, celle de l’émouvante reconstruction de deux êtres cabossés par la vie.
Pendant un an, huit mois et quatre jours, j’ai été caché. Presque deux ans d’une vie. C’est long deux ans dans une vie, surtout quand on est un enfant de huit ans. Pendant ces six cent douze jours le silence et l’obscurité ont été mes seuls amis. Presque les seuls.
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