
Récompensée en 2022 par le Prix Nobel pour l’ensemble de son oeuvre, Annie Ernaux nous dresse ici un portrait, aussi vrai que nature, de son père. A travers l’histoire de ce père ouvrier, qui a petit à petit gagné en respectabilité en ouvrant un café-épicerie, elle dresse l’image d’une classe sociale qu’elle a quitté grâce aux études qu’il l’a poussée à faire. Elle évoque en filigrane son déracinement, le profond éloignement qu’elle ressentait avec ses parents quand elle revenait dans ce petit village de Normandie où elle avait grandi. Elle décrit aussi un monde qui évolue vite, trop vite pour ne pas laisser sur le carreau un honnête couple tenant un petit café-épicerie dans un quartier ouvrier.
C’est un récit très simple, que des faits, des anecdotes pour raconter cet homme qui voulait le meilleur pour sa fille, quitte à se sentir laissé pour compte, incapable de la suivre là où elle irait. Pour rendre compte de la vie de son père, Annie Ernaux nous livre une prose dénuée de fioritures, comme la vie de son père. La vie de cette homme n’avait pas été une promenade de santé, il a connu son lot de difficultés et il avait ses petites habitudes, qu’il n’a pas changé. Un homme entier en somme.
J’ai pour ma part trouvé ce livre très touchant. Surprenant aussi par bien des aspects, pour une gamine comme moi qui n’imaginait pas que les salles de bains étaient arrivées si tard dans les maisons. J’ai été touchée par cet homme qui savait se contenter de l’essentiel, faute de connaître le superflu, de sa droiture et de son engagement pour sa fille. Ce livre m’a semblé être un moyen pour l’autrice de faire la paix avec ses origines, mais je me trompe peut-être. On sent en tout cas qu’elle a essayé de restituer l’homme qu’était son père, aussi fidèlement que possible.
Il n’est jamais entré dans un musée, il ne lisait que Paris-Normandie et se servait toujours de son Opinel pour manger. Ouvrier devenu petit commerçant, il espérait que sa fille, grâce aux études, serait mieux que lui.
Cette fille, Annie Ernaux, refuse l’oubli des origines. Elle retrace la vie et la mort de celui qui avait conquis sa petite « place au soleil ». Et dévoile aussi la distance, douloureuse, survenue entre elle, étudiante, et ce père aimé qui lui disait : « Les livres, la musique, c’est bon pour toi. Moi, je n’en ai pas besoin pour vivre. »
Ce récit dépouillé possède une dimension universelle.
Pour rendre compte d’une vie soumise à la nécessité, je n’ai pas le droit de prendre le parti de l’art, ni de chercher à faire quelque chose de « passionnant », ou « d’émouvant « .
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Je te rejoins sur ce roman que j’ai apprécié, qui m’a surprise et qui m’a touchée.
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