On oublie souvent qu’aux portes de l’Europe se trouve un pays dont le régime politique frôle la dictature, où les libertés individuelles sont foulées aux pieds, où l’expression à l’encontre du régime peut entraîner plusieurs années de prison pour les quelques téméraires qui osent encore faire entendre leur voix. Avec ce roman d’une intensité rare, Delphine Minoui nous met face aux faits tragiques qui ont agité ces dernières années la Turquie : attentats terroristes réels ou déguisés, coup d’état militaire avorté, manipulations politiques de l’opinion, interventions militaires contre les minorités… A travers l’histoire de Göktay et Ayla, ce sont les combats des intellectuels turcs qu’elle illustre, ces hommes et ces femmes qui ont connu un pays laïque à l’extrême où la démocratie était presque imposée aux citoyens. Que reste-t-il aujourd’hui de ce pays avant-gardiste ?

L’incarcération arbitraire de Göktay, les déboires judiciaires d’Ayla, l’opacité du traitement de son mari : tout dans ce texte m’a serré la gorge, a décuplé mon sentiment d’injustice. Je n’en ai été que plus émue quand j’ai lu les combats des enseignants et étudiants pour ouvrir les esprits face à l’obscurantisme imposé par le régime, les initiatives des uns et des autres pour faire entre leur voix et leur témoignage, et les changements que ça peut amener dans une population qui parfois, n’a jamais eu l’occasion de prendre conscience de tout ça. Delphine Minoui nous sert un récit aux accents de vérité, plein de nuances et de réflexivité. Elle explore les ressorts de l’engagement, la peur pour soi et les pour les siens qui peut retenir notre signature en bas de la page, et le courage qu’il faut pour oser, à son échelle, faire quelque chose dans l’espoir de susciter le changement.

Un superbe roman, magnifiquement écrit, qui prend aux tripes et touche au coeur, tout en illustrant la beauté de cette ville entre deux continents, Istanbul, creuset des combats idéologiques de la Turquie moderne.


Résumé de l’éditeur:

Göktay est professeur à l’université du Bosphore à Istanbul. Idéaliste, adoré de ses étudiants, il a séduit Ayla, professeure de français, avec un poème. La vie est douce quand on est jeunes, amoureux et parents comblés d’une petite fille.
Mais Göktay refuse de vivre dans une bulle. Pour avoir signé une pétition de plus, une pétition de trop, il est arrêté et jeté en prison. La répression menée par le président Erdogan s’abat, féroce et violente.
Des milliers d’activistes, de journalistes, de fonctionnaires et d’universitaires sont réduits au silence par un pouvoir cynique, habile à manipuler l’opinion.
Ayla s’était toujours retenue de s’engager : le confort du quotidien et sa famille comptaient par-dessus tout. Bouleversée de voir Göktay sombrer dans le désespoir et révoltée par l’injustice, elle décide de reprendre le flambeau.
Un roman de colère et d’amour, traversé par l’Histoire.


Göktay se revoit l’année de ses vingt ans. Il vient d’entrer à Bogaziçi, la prestigieuse université. Bientôt, il entame un doctorat sur l’Empire ottoman. Cette époque l’attire comme un aimant. Entre deux cours, il vagabonde dans la bibliothèque du campus. Son endroit préféré. A travers les rayons, il cherche un sujet pour sa thèse. Sur une étagère, un titre l’interpelle : Quand les Ottomans rêvaient. Il attrape l’ouvrage. Des centaines de pages sur les rêves des cheikhs et poètes soufis du XVIe siècle. Il découvre cette intrigante obsession. Cette manie, dans les milieux éclairés, de partager ses visions nocturnes en public, dans la rue, dans un jardin ou à l’occasion d’une soirée, et d’en consigner le plus infime des détails dans de petits carnets. Ça lui plaît et ça lui parle. Ces journaux intimes du sommeil qui ont tant à dévoiler : les ambitions des uns, le fatalisme des autres, l’amour, les peurs, les obsessions, les illusions, les souvenirs refoulés. Göktay tient là le thème de sa recherche. Il va décrypter les rêves d’antan pour mieux vivre son présent.

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