
Lorsqu’Alice reçoit dans son bureau une jeune fille victime de viol cherchant une femme pour la défendre aux assises, elle se dit que ça va la changer, d’être du côté des gentils. Mais c’est sans compter les révélations que Lisa lui fait par la suite, admettant qu’elle a accusé à tort l’homme qui croupit déjà en prison depuis cinq ans pour un crime qu’il n’a pas commis. Loin d’être une affaire de viol simple et évidente, l’histoire de Lisa révèle les subtilités de l’adolescence que la justice est bien en peine d’intégrer dans ses procès, mais qu’Alice va devoir faire entrer par la petite porte dans la Cour d’Assises.
Déjà transportée par La Déposition, lu dans le cadre du Prix Folio des Libraires, je savais que La petite menteuse serait à nouveau un livre intense, difficile, questionnant, et je n’ai pas été déçue. A travers l’histoire de Lisa, Pascale Robert-Diard souligne avec brio la complexité du monde et de la vie, qui ne peut en aucun cas être réduire au manichéisme nécessaire à l’exécution de la justice : d’un côté la victime, de l’autre l’accusé. Elle évoque ces avocats qui ont fait de la défense leur métier, afin que chacun, quel que soit le crime dont il est accusé, puisse bénéficier être défendu, puisse être entendu et jugé avec justesse et objectivité. Chroniqueuse judiciaire du Monde, elle parvient à nous immerger entièrement dans l’appareil judiciaire, dans le monde complexe des avocats avec ses règles informelles et ses guerres de couloirs, et à faire d’un procès la plus passionnante des histoires.
Pascale Robert-Diard met le doigt sur un des sujets les plus tabous de notre temps : le viol, et plus spécifiquement la difficulté que nous avons à traiter correctement ces affaires. Certaines n’arrivent jamais aux mains de la justice, d’autres y arrivent par erreur, comme c’est le cas ici, poussées par les bonnes volontés des uns et des autres. Nombreuses sont celles qui sont classées sans suite, faute de preuves tangibles, ce qui est révoltant, mais ça l’est tout autant quand un homme est condamné par erreur. Alors comment peut s’exercer la justice de manière neutre, objective et juste, quand il s’agit de crimes sexuels ? Vaste question, à laquelle ce brillant roman nous invite à réfléchir : une lecture nécessaire.
La vérité n’est jamais celle que l’on imagine et il est parfois bénéfique de remettre en question notre intime conviction. Pascale Robert-Diard raconte l’histoire d’une jeune fille qui ment. Quand les institutions sont décriées pour leur indifférence, l’autrice montre des adultes remplis de bonnes intentions. A l’heure où la littérature abonde en pénalistes retors ou flamboyants, La Petite Menteuse raconte la manière dont une avocate exerce avec finesse son métier.
Les engrenages de l’imposture
Lisa a quinze ans. C’est une adolescente en vrac, à la spontanéité déroutante. Elle a eu des seins avant les autres filles, de ceux qui excitent les garçons. Elle a une « sale réputation ». Un jour, Lisa change, devient sombre, est souvent au bord des larmes. Ses professeurs s’en inquiètent. Lisa n’a plus d’issue pour sortir de son adolescence troublée et violente. Acculée, elle finit par avouer : un homme a abusé d’elle. Les soupçons se portent sur Marco, un ouvrier venu faire des travaux chez ses parents. En première instance, il est condamné à dix ans de prison.
Le tourbillon du mensonge et de la vérité
Alice, avocate de province, reçoit la visite de cette jeune femme. Désormais majeure, Lisa l’a choisie pour le procès en appel car elle « préfère être défendue par une femme ». Alice reprend le dossier de manière méthodique, elle cherche les erreurs d’aiguillages, les fausses pistes, celles qui donnent le vertige, puis découvre la vérité. Avec l’histoire de Lisa, elle commence le procès le plus périlleux de sa carrière : défendre une victime qui a menti.
Les moments solennels ne sont jamais comme on les imagine. Une fille tout juste adulte jouait une part de sa vie en revenant sur les accusations qui valaient à un homme d’être emprisonné et Alice ne savait plus quoi lui dire. Elle n’avait qu’une envie : la voir prendre son sac à dos et partir. Tout s’emmêlait. Le sentiment d’urgence qu’elle éprouvait à l’idée qu’un home avait été condamné à tort. L’exaltation de contribuer à réparer une erreur judiciaire. La crainte sourde de l’épreuve qui attendait Lisa. Saurait-elle la protéger de la tempête que sa lettre allait déclencher ? Tout était si ténu. Mais l’affaire était belle. Il n’y en avait pas tant, des comme ça, dans une vie d’avocate.
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