2084 La fin du monde boualem sansal folio livres anticipation grand prix de l'académie française

🏆Grand Prix du Roman de l’Académie Française 2015

L’Abistan recouvre désormais le monde, la Juste Fraternité tient le pouvoir d’une main de fer, les Honorables gouvernent le petit peuple en l’assoiffant de mythes et d’obligations religieuses. Quel bel avenir nous décrit Boualem Sansal dans ce récit d’aventures, dont le style n’est pas sans rappeler un certain Candide de Voltaire… Après Candide l’optimiste, ici nous suivons Ati, l’homme qui se voulait libre sans parvenir tout à fait à se défaire de ses chaînes de croyant. Son périple commence au sanatorium de Sîn où le passage incessant des pèlerins et les étranges rumeurs sur la frontière proche l’emmènent à remettre en question tout ce qui lui a été inculqué pendant l’enfance. A peine revenu dans sa ville d’origine, Qodsabad, grande capitale aux multiples quartiers, il s’acoquine avec Koa, rejeton d’une famille illustre ayant pris le parti de la rébellion. Et les voilà partis tous les deux sur les routes, à visiter les ghettos, à s’introduire dans le coeur du gouvernement, et autres péripéties fantasques dans ce monde étrangement plausible.

S’inscrivant clairement dans la lignée d’Orwell – et en citant même Big Brother et 1984 -, Boualem Sansal nous propose ici une nouvelle version du totalitarisme, un totalitarisme religieux extrémiste où la foi des croyants est entretenue à coups de purée hallucinogène, de massacres collectifs, et de pèlerinages organisés vers des lieux à l’histoire inventée. Une machine bien huilée somme toute, à laquelle les croyants n’ont  aucun moyen possible d’échapper. Tout semble merveilleusement bien penser pour empêcher toute révolte, tout questionnement de l’âme, toute envie de liberté. Sauf que derrière les apparences de ce pouvoir religieux, les guerres de clans persistent, les Honorables s’affrontent, se jouant de petits pions comme Ati sur le grand échiquier du pouvoir. On ne peut pas lire ce livre sans avoir une pensée pour Daech, dont la montée en puissance commence à se faire sentir au moment de la publication de ce récit.

Boualem Sansal n’a rien laissé au hasard dans son monde hypothétique, tout est expliqué, décortiqué, analysé. Fonctionnement de la société, tenue nationale, langue nationale, symboles du pouvoir, historique apocalyptique: tout y est, on s’y croirait presque. A ceci près que le style littéraire lui, ne laisse aucun doute sur le côté hypothétique de l’histoire. A peine romancé, ce conte trimballe le personnage principal d’un bout à l’autre de l’Abistan, du bas vers le haut de la pyramide des classes, d’un discours philosophique à l’autre – tous les prétextes sont bons pour donner plus d’explications sur le régime totalitaire sorti de l’imagination de l’auteur.

Un livre qui fait réfléchir donc, à défaut de permettre de s’évader tout à fait – dans tous les cas, je ne suis pas sûre qu’il y a un seul lecteur qui aurait envie de s’évader vers ce monde là.


Résumé de l’éditeur :

L’Abistan, immense empire, tire son nom du prophète Abi, «délégué» de Yölah sur terre. Son système est fondé sur l’amnésie et la soumission au dieu unique. Toute pensée personnelle est bannie, un système de surveillance omniprésent permet de connaître les idées et les actes déviants. Le peuple unanime vit dans le bonheur de la foi sans questions. Mais un homme, Ati, met en doute les certitudes imposées. Il se lance dans une enquête sur un peuple de renégats qui vit dans des ghettos, sans le recours de la religion.<<<<<<<<<<<
cit plein d’inventions cocasses ou inquiétantes, Boualem Sansal s’inscrit dans la filiation d’Orwell pour brocarder les dérives et l’hypocrisie du radicalisme religieux.


Ati n’était pas libre et ne le serait jamais mais, fort seulement de ses doutes et de ses peurs, il se sentait plus vrai qu’Abi, plus grand que la Juste Fraternité, et son tentaculaire Appareil, plus vivant que la masse inerte et houleuse des fidèles, il avait acquis la conscience de son état, sa liberté était là, dans la perception que nous ne sommes pas libre mais que nous possédons le pouvoir de nous battre jusqu’à la mort pour l’être. Il lui paraissait évident que la vraie victoire est dans les combats perdus d’avance mais menés jusqu’au bout.

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