Adolescente, elle rêve de remporter Graines de Star et de chanter avec Ophélie Winter sur la tournée des Enfoirés, comme bien d’autres jeunes filles de sa génération. Autour d’elle, les rêves des uns et des autres se fanent, la vie suit son cours, avec ses hauts et ses bas. Un coup de téléphone et Johanna se retrouve propulsée vers ses rêves les plus fous. Le jeu en vaut-il vraiment la chandelle?

Quelle petite fille n’a jamais rêvé d’être célèbre? Les années 90 et la montée en puissance de la télévision ont nourri les espoirs de nombreux enfants, lesquels n’ont pas hésité à rejoindre les rangs de la téléréalité dans les années 2000. Johanna fait partie de ceux-là, de ceux qui croyaient que la célébrité et l’argent étaient les seuls moyens d’exister vraiment, quitte à sacrifier ce qu’ils étaient vraiment. Tout le roman est truffé d’anecdotes librement inspirées de véritables faits tirés de Loft Story, Secret Story et autres désormais bien connus : couples parfaits, suicides terribles, maigreur extrême, acharnement psychologique… Comme beaucoup, j’ai suivi ces émissions de téléréalité, et je me suis souvent interrogée sur ce qui pousse ces gens à se livrer en pâture aux médias, sur ce que leurs proches pensent de leur soudaine célébrité et sur ce qu’ils pensent d’eux-mêmes finalement. Guillaume Sire apporte un éclairage nouveau sur ces questions, ni blanc, ni noir, il montre les espoirs suscités par la célébrité de masse, le tragique de ces destins arrachés par des milliers de téléspectateurs, la vacuité de ces vies adaptées au petit écran. Il aborde aussi la transformation médiatique du passage à l’an 2000, les début d’Internet, venant s’ajouter à l’omniprésence du téléviseur : à travers Johanna, c’est toute la société française en mutation que nous entrevoyons.

Avec humour et cynisme, Guillaume Sire dépeint un portrait assez peu reluisant des animateurs et des producteurs de téléréalité, tout en soulignant l’humanité première des candidats tels que Johanna. Elle est réelle par sa banalité, tellement normale et simple, juste une adolescente un peu rebelle, aimant danser et rêvant d’un avenir meilleur. Je me suis attachée à Johanna, cette fille sensible qui n’a pas eu peur de se lancer dans l’aventure, à sa famille, imparfaite et clichée parfois, mais tellement vraie et sincère. J’ai lu ce roman d’une traite, en apnée, absorbée par les mots et les détails réalistes qui m’ont transportée dans la vie de cette héroïne comme les autres. J’ai été absorbée par ce livre comme j’ai vu l’être par certaines émissions de téléréalité quand j’étais plus jeune, l’auteur en a repris le rythme cadencé, et la constante sensation de menace planant sur les protagonistes, créant ce suspense indispensable à la rétention de l’auditoire.


Résumé de l’éditeur :

Enviée, choisie, désirée : Johanna veut être aimée. La jeune fille ne croit plus aux contes de fées, et pourtant… Pourtant elle en est persuadée : le destin dans son cas n’a pas dit son dernier mot.

Les années 1990 passent, ses parents s’occupent d’elle quand ils ne regardent pas la télé, son frère la houspille, elle danse dans un sous-sol sur les tubes à la mode, après le lycée elle enchaîne les petits boulots, et pourtant…

Un jour enfin, on lui propose de participer à un nouveau genre d’émission. C’est le début d’une étrange aventure et d’une histoire d’amour intense et fragile. Naissent d’autres rêves, plus précis, et d’autres désillusions, plus définitives.

L’histoire de Johanna est la preuve romanesque qu’il n’y a rien de plus singulier dans ce monde qu’une fille comme les autres.


Il imaginait que, si elle découvrait la vérité au sujet de son sentimentalisme elle finirait par le quitter pour quelqu’un de plus solide, un homme, un vrai, un séducteur, athée convaincu, épilé, tatoué, gourmetté, les cheveux pleins de gel (il détestait le gel), capable de réparer une voiture sur le bord de l’autoroute, au pieu un monstre, très bon danseur, surfeur, permis moto, snowboardeur (Edouard avait toujours préféré le ski), sachant négocier (il était incapable de négocier). De son côté, Johanna imaginait qu’Edouard la quitterait pour une fille dont les parents n’avaient pas de télévision et écoutaient de la musique classique, serre-tête, col rond, cavalière, Barbour à l’odeur de cire mouillée, manoir au bord d’un lac, bronzée toute l’année, la voix grave et cassée des aristocrates, qui n’aurait jamais eu d’acné en raison d’un mystère inavouable du point de vue génétique, cultivée, chienne au lit sans que rien le laisse supposer, catholique, la langue très rose et les lèvres dessinées, un grand-père aviateur, un chalet à Chamonix, promise à un avenir de directrice ou d’avocate, romancière sinon, et qui serait magnifique même vieille, parce que les femmes dans ces familles sont magnifiques à tous les âges, sensuelles, détachées, espiègles, intelligentes à tous les âges.

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