📖68 Premières Fois – Automne 2018
Lorsque Lydia perd son père, elle retrouve dans ses dernières affaires une étrange lettre, dans laquelle il s’accuse d’avoir commis un meurtre, et des photos, plusieurs photos d’une petite fille, Hind, dont elle n’a jamais entendu parler. Mais qui est Hind ? Comment Mohsin a-t-il pu cacher son existence à sa propre fille ? Lydia se lance sur les traces de cette soeur qu’elle n’a jamais connue, dans un passé à la fois sombre et joyeux au milieu des Choux.
Je tire mon chapeau à cette primo-romancière de grand talent ! A peine les premières pages passées, elle nous plonge dans son univers, dans la vie de Lydia, de Mohsin, elle nous entraîne irrémédiablement vers le Château, à pas de loups, entretenant jusqu’à la fin un suspense insoutenable. Jalons de la quête de Lydia pour retrouver sa soeur, chacun des chapitres donne la voix à un personnage de cette histoire pleine de méandres et de sinuosités. Chacun raconte, par son petit bout de la lorgnette, cette période de leur vie commune, l’installation dans cette bâtisse retapée baptisée pompeusement « Le Château », la liberté des enfants courant dans tous les sens, toujours en bandes, la découverte de la vie pour les plus âgés, les soucis d’argent, les querelles de famille. On a beau savoir qu’une terrible réalité se cache derrière ce joli tableau, Bertille Dutheil nous fait rêver avec cette vie communautaire dérivée des mirages socialistes du siècle dernier.
A travers l’histoire de Mohsin et Hind, c’est aussi toute l’histoire d’une génération immigrée qui ressort, les diplômés maghrébins arrivés en France pour fuir ou se construire un meilleur futur et qui finissent par parvenir difficilement à joindre les deux bouts. Au Château, tous cherchent à conserver leur identité culturelle, les familles arabes comme la vieille dame russe locataire au dernier étage. C’est un roman sur l’entraide, la cohabitation pacifique, et la liberté, où les personnages sont bienveillants et sages, et où le recul qu’ils prennent tous sur leur propre vie nous est salutaire.
« La maison avait fait le tour du monde. C’était le navire de Sindbad. Elle avait roulé jusqu’à la rive et elle avait dormi jusqu’à ce que nous, les Arabes, qui n’avions rien, décidions de la retaper. Nous, les champions de la récup et des chansons d’amour, de la colle industrielle et du voyage au long cours, nous avions traversé la mer pour échouer ici, aux accents d’une poésie imparfaite mais vivante, quotidienne, qui donnait à l’exil de nos pères une saveur moins amère. »
Mohsin, un immigré algérien, vient de décéder. Il laisse derrière lui une lettre dans laquelle il s’accuse de la mort d’un être innocent, ainsi qu’une série de vieilles photos où il apparaît avec une enfant brune, omniprésente, Hind.
Sa fille, Lydia, interroge alors ceux qui ont autrefois connu son père, à Créteil, à la fin des années 1970. En particulier les habitants du « Château », une villégiature délabrée plantée non loin de la cité des Choux et transformée par Mohsin et ses amis en maison communautaire. Mohammed, Ali, Luna,Marqus et Sakina font ainsi revivre toute une époque par leurs témoignages. Sous les yeux de Lydia, le puzzle prend forme, révélant la personnalité de l’absente – flamboyante et mystérieuse Hind –, et la nature de sa relation avec Mohsin…
Un roman polyphonique hanté par une héroïne sans voix, qui s’empare avec brio de la question de l’immigration et de l’intégration en France.
J’aime bien le bus à l’heure où il n’y a que moi et les bleus de travail qui soyons levés. Eux sont tous droits, les yeux ouverts dans le vide, la casquette à la main, dans cette posture humble et instinctive des gens que la société a foulés aux pieds, et toujours silencieux. Ce silence est un accord tacite entre eux, il est sacré. Il est peut-être l’unique instant de leurs vies dévolu à la rêverie. Moi, je viens d’une famille riche et je m’assieds en croisant les jambes, rabats mon chapeau sur mes yeux, déplie ou replie un journal. Je les observe du fond de mon confort avec mon égoïsme de bourgeois et d’enfant malade. Je n’ai pas besoin de sommeil. J’ai toujours l’air pâle et défait, avec des cernes profonds sous les yeux, et les autres s’inquiètent constamment de ma santé. Bien sûr que je suis malade, mais ça ne les regarde pas.
Plus d’informations et de citations sur Babelio.
Merci pour cette belle critique, je l’ai aussi à lire via NetGalley pour les 68 😉
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Bonne lecture 📖
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J’espère pouvoir le lire bientôt !
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Merci pour le relai 🙏🏻
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