La chambre de l'araignée Mohammed Abdelnabi Actes Sud Prix de la littérature arabe The Unamed Bookshelf🏆Prix de la littérature arabe 2019

A travers l’histoire d’Hani Mahfouz, Mohammed Abdelnabi romance un moment-clé de l’histoire LGBT en Egypte : l’arrestation massive d’hommes suspectés d’être homosexuels lors d’une soirée au Queen Boat, en 2001. En attendant leur procès, ils ont passé six mois en prison, subissant différentes formes de torture, tandis que les organisations internationales faisaient pression sur le gouvernement égyptien pour qu’il relâche ces hommes innocents au regard de la loi.

Mohammed Abdelnabi raconte dans ce récit à la fois l’expérience traumatisante de ces hommes, enfermés et torturés pour leurs penchants sexuels, mais aussi la vie d’Hani Mahfouz, ses difficultés à vivre sa sexualité, les pressions familiales pour qu’il se marie, son mal être constant dans ce pays où il ne trouve pas sa place. A la manière des conteurs d’Orient, Mohammed Abdelnabi nous livre un récit tout en circonvolutions, retours en arrière et bonds en avant, le passé se mêle au présent, l’enfance à l’enfermement, pour lier irrémédiablement le lecteur au personnage principal.

Mohammed Abdelnabi nous montre une sexualité homosexuelle sans fard, dans sa réalité la plus crue, de la recherche du plaisir facile aux attachements profonds, en passant par les violences souvent subies par ces hommes contraints d’évoluer dans l’ombre. Derrière le tabou de la société, il y a toute une communauté, qui a développé ses propres habitudes, ses petits arrangements pour éviter la persécution du pouvoir en place. Ecrit à la première personne, dans ce journal qu’Hani Mahfouz tient pour retrouver la parole, ce récit bouleverse, questionne, insurge : comment peut-on faire subir de telles atrocités à des hommes seulement parce qu’ils ont eu le malheur d’aimer différemment ?


Résumé de l’éditeur :

En mai 2001, dans un bar flottant sur le Nil, le Queen Boat, la police égyptienne arrêta cinquante-deux homosexuels qui seront inculpés d’outrage aux bonnes mœurs et d’hérésie. Hani Mahfouz fut incarcéré le jour même de la rafle alors qu’il se promenait en compagnie de son ami Abdelaziz. Il passa en prison plusieurs mois d’incessantes humiliations et en sortit brisé, physiquement et moralement, et ayant perdu la parole. Reclus dans une petite chambre d’hôtel, où seule une araignée comblait sa solitude, il entreprit de consigner son histoire depuis son enfance, la croisant avec celles de ses compagnons d’infortune durant son arrestation, tous victimes de l’incompréhension de leurs proches et d’un rejet social quasi unanime…
Le grand mérite de La Chambre de l’araignée n’est pas seulement d’explorer en profondeur, et pour la première fois, la condition homosexuelle en Égypte, mais aussi de le faire dans une langue toute en retenue, en évitant les clichés et les anachronismes.


(…) que nous n’étions pas maîtres de nous-mêmes. Nous pouvions toute notre vie remplir le monde d’un bruit de révolte, de sarcasme, d’athéisme, de folie, de brigandage, mais à la fin du périple, même si c’était au bout de cent ans, nous n’étions qu’un peu de matière gênante qu’il fallait rapidement cacher, une simple chose qui s’était égarée et qui a été rendue à ses maîtres originels pour qu’ils fassent d’elle ce qu’ils jugeaient convenable et juste. Dans d’autres endroits du monde, on pouvait, si l’on voulait, changer de religion, d’identité et de tendances parce que, tout simplement, on était une personne libre, mais chez nous, ici, nous n’avions droit à rien de cela. Pour nous-mêmes, pour nos familles, pour le gouvernement, pour tous, nous n’étions que des choses. Nous n’étions pas libres de faire de ces corps ce que nous voulions. En fin de compte, nous leur appartenions, sans même qu’il nous fût besoin de brûler dans un train de Haute Egypte.

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