Le monde n'existe pas Fabrice Humbert Editions Gallimard Grand Prix des Lectrices Elle 2020 The Unamed Bookshelf🙋🏼Grand Prix des Lectrices Elle 2020

Lorsqu’Adam Vollmann décide de retourner à Drysden pour enquêter sur la supposée culpabilité de son ancien camarade de lycée, il pense seulement se confronter à ses vieux démons d’adolescent mal aimé. Pourtant, ce qu’il découvre sur place est bien loin de se résumer à quelques souvenirs douloureux…

Dans ce roman pour le moins atypique, Fabrice Humbert nous emmène dans les méandres d’une réalité déformée par les jeux de pouvoirs à grande échelle. A l’ère où les foules peuvent être si facilement manipulées par les médias de masse, il est finalement simple d’inventer n’importe quelle réalité, quitte à écraser sous le poids du mensonge des vies innocentes. A travers le parcours d’Adam Vollmann, cet ami bien intentionné et journaliste de bureau pas doué pour les enquêtes, l’auteur met en lumière les zones d’ombres de notre monde moderne, instille le doute sur les événements qui nous entourent et que nous découvrons à la télévision ou sur les réseaux sociaux. Et si tout ça était fabriqué par nos gouvernements ? Avec de nombreuses références à l’appui, parfois totalement anachroniques dans la trame du récit, il nous amène à nous interroger sur ce que nous savons vraiment des faits que nous tenons comme acquis.

Si la réflexion politico-médiatique sous-jacente dans le roman m’a très clairement interpellée et fait réfléchir, j’avoue avoir été assez désarçonnée par l’intrigue en elle-même. Pour donner de l’épaisseur à son message, Fabrice Humbert prend le temps de poser le décor, de rappeler des faits, de créer le doute, en plantant le décor pendant plus de cent cinquante pages. Pourtant, à la fin, il nous confronte à un dénouement brutal, inattendu, inabouti, totalement en queue de poisson, où à peine trois lignes nous donnent une vague idée du vaste revirement de situation dans lequel se retrouve coincé le narrateur. On referme ce livre avec la désagréable sensation de n’avoir pas tout compris et le raisonnement de l’auteur sur notre société, pourtant si bien amené, nous semble finalement assez peu crédible, puisqu’on n’a pas compris les dessous de l’affaire.


Résumé de l’éditeur:

Lorsque Adam Vollmann, journaliste au New Yorker, voit s’afficher un soir sur les écrans de Times Square le portrait d’un homme recherché de tous, il le reconnaît aussitôt : il s’agit d’Ethan Shaw. Le bel Ethan, qui vingt ans auparavant était la star du lycée et son seul ami, est accusé d’avoir violé et tué une jeune Mexicaine. Refusant de croire à sa culpabilité, Adam retourne à Drysden, où ils se sont connus, pour mener l’enquête. Mais à mesure qu’il se confronte au passé, toutes ses certitudes vacillent…
Roman haletant et réflexion virtuose sur la puissance du récit, Le monde n’existe pas interroge jusqu’au vertige une société aveuglée par le mensonge, où réalité et fiction ne font qu’un.


La répétition permanente finit par créer de nouvelles identités, des êtres dont on oublie la réalité au profit des représentations. Ce qui m’irrite le plus, c’est la fausse objectivité des propos, le « coupable présumé » associé au nom d’Ethan, le ton neutre du présentateur, buste aristocratique face aux envoyés spéciaux abîmés dans l’émotion, afin de correspondre à une neutralité axiologique d’école de journalisme, dérisoire paravent de l’énorme barnum qui se met en place et qui est en train de bâtir la plus formidable machine narrative de ces dernières années. Un récit d’une puissance destructrice, plus puissante et plus convaincante que n’importe quel roman, à côté duquel Balzac et Tolstoï sont des créateurs chétifs, démiurges sans commune mesure avec le monstre moderne aux mille yeux, aux mille poumons et aux mille bouches. Mille ? Dix mille, cent mille, un million, un milliard puisque chacun est un fragment du monstre. Personne jusqu’ici ne connaissait les noms d’Ethan Shaw et de Clara Montes, mais le roman est en train de se mettre en place, les premières pages se créent sous nos yeux, à travers une esthétique de la répétition, de la boucle et de la démultiplication qui n’a jamais existé dans l’histoire.

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