Comme il le disait récemment lors d’une conversation organisée à Lyon par la Villa Gillet, pour Jonathan Coe, les raisons profondes du Brexit existent depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale. C’est ce qu’il démontre dans ce roman où il raconte l’histoire d’une famille anglaise installée à Bournville, berceau du célèbre chocolat Cadbury. A travers sept temps forts de l’histoire récente du Royaume-Uni, dont une bonne partie centrés autour de cette famille royale controversée, il dévoile les dessous de cette nation fragmentée depuis toujours, où le multiculturalisme affiché n’est qu’une façade cachant un racisme installé et des opinions farouchement conservatrices. Aidés de l’utile arbre généalogique en début de livre, nous naviguons entre les générations, entre différentes façons de voir le monde et son propre pays, entre les lignes de fracture qui traversent ce royaume décidément désuni.

Si ce roman n’a pas d’intrigue à proprement parler, pas de suspense puisqu’on en connaît terriblement bien la chute, il n’en reste pas moins qu’il nous entraîne dans une exploration des plus passionnantes, celle des ressorts d’une société qui, par bien des aspects, diffère largement de la société française. Etant d’origine écossaise et ayant vécu plus de trois ans en Angleterre, jusqu’au Brexit en 2016, j’ai trouvé absolument fascinant cette plongée dans les dessous de ce royaume constitué de peuples qui n’ont finalement pas grand chose à voir ensemble, si ce n’est qu’il se partagent cette île au nord de l’Europe. Le fort sentiment nationaliste né de la guerre semble avoir été principalement vécu en Angleterre et beaucoup moins au Pays de Galles ou en Ecosse, qui ont moins souffert des bombardements ininterrompus des Allemands.

Certains passages très touchants montrent les efforts, parfois maladroits, de la génération d’après-guerre pour s’adapter aux changements des temps, aux évolutions sociales et morales de cette nouvelle société du vingtième siècle, quand le comportement d’autres personnages révolte tant il est révélateur de pensées arriérées – j’en veux pour preuve celui de Georges vis-à-vis de Bridget qui m’a violemment choquée. Le Royaume-Uni, par ses rapports étroits avec les Etats-Unis, s’est toujours considérée comme la locomotive de l’Europe, mais pour autant ce livre montre bien que c’est une société fragmentée, bien imparfaite et où la politesse de façade cache souvent des fossés bien difficiles à combler.


Résumé de l’éditeur :

Bienvenue à Bournville, charmante bourgade proche de Birmingham connue pour sa célèbre chocolaterie. C’est à l’occasion de la victoire de mai 1945 que nous y rencontrons la petite Mary Clarke, émerveillée par les festivités organisées autour de sa maison. Elle y croise alors le chemin d’un certain Geoffrey Lamb, fils d’un collègue de son père travaillant aussi dans l’usine de chocolat. Nous retrouvons Mary et Geoffrey en 1953, fiancés et fascinés par le couronnement de la reine Élisabeth II que leurs familles respectives regardent ensemble sur le premier poste de télévision de Bournville. Treize ans plus tard, le couple a trois fils épris de football, qui s’extasient devant le match opposant les Anglais aux Allemands lors de la Coupe du monde de 1966. Nous les verrons à leur tour grandir et tracer leurs routes au fil de l’investiture du prince de Galles, du mariage de Charles et Diana, de la mort de cette dernière, de l’arrivée de Boris Johnson en politique, pour finalement retrouver Mary lors du 75e anniversaire de la Victoire, en plein confinement.
En sept parties scandant les sept temps majeurs de l’histoire de l’Angleterre moderne, Le royaume désuni mêle brillamment les destins d’un pays dysfonctionnel, d’une irrésistible famille anglaise et d’une chocolaterie.


Ces écrans, ces fenêtres, sont des barrières faites de verre, de silicone et de plastique que la pandémie a érigé entre nous. Ces barrières nous ont séparé de force, tout en nous faisant miroiter des mondes de communication qui ne sont que de pâles imitations, parfois rien de plus qu’une parodie de contact humain véritable.

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