Aujourd’hui, Farida Kehlfa évolue aux côtés de l’élite de notre pays. Egérie de la mode française, elle a travaillé avec Jean-Paul Gauthier et Azzedine Alaïa, s’est liée d’amitié avec Christian Louboutin et Carla Bruni-Sarkozy. Rien, pourtant, ne la prédestinait à embrasser un tel destin : c’est ce qu’elle nous raconte, assez crûment et de manière plutôt décousue, dans ce récit de son enfance dans une famille algérienne marquée par la violence et l’alcoolisme du père, la dépression médicamenteuse de la mère, le manque de tout et les fous rires de rien.

Révélateur d’une époque et d’un monde à part, « un monde qui se nommerait pour toujours immigration« , le livre de Farida Khelfa nous ouvre les portes des HLMs de banlieue où se sont entassées dans les années soixante-dix toutes les familles nombreuses éligibles au logement social, toutes ces familles d’étrangers sans le sou qui pensaient faire fortune en arrivant en France. Superposant le passé et le présent, creusant par ses mots le fossé entre sa vie d’alors et celle de maintenant, elle illustre la fracture béante au sein même de la société française, persistant depuis lors : entre les français de souche et les immigrés ou enfants d’émigrés. Pourtant, au milieu de la violence et de l’injustice, le Paris des années quatre-vingt fait figure d’Eldorado où tout est possible. Après sa fugue à l’âge de seize ans, c’est grâce à sa fréquentation assidue du Palace qu’elle rencontre les étoiles montantes de la mode et fait son entrée sur les podiums. La petite fille battue prend son envol, s’extrait de la condition de paria à laquelle elle se pensait condamnée pour devenir une étoile montante du style à la française. Une belle revanche sur cette vie qui ne l’avait pas tellement gâtée jusque là.

Si j’ai trouvé la plongée dans l’intimité de cette famille algérienne immigrée en France passionnante, et le style de Farida Khelfa poignant de franchise, j’ai été légèrement perdue dans la narration décousue, où j’ai peiné à faire sens de son histoire, à remettre les étapes de sa vie dans le bon ordre, à voir les corrélations et les conséquences. Comment s’en est-elle sortie finalement ? Une suite de coïncidences, de rencontres fortuites, de choix plus ou moins conscients ou seulement cet élan soudain de prendre ses jambes à son cou sans regarder en arrière ? Un peu des deux probablement. La narration donne l’impression que l’autrice-narratrice ouvre progressivement les boîtes bien scellées de ses souvenirs d’enfance, une seule à la fois pour être en mesure de les regarder en face.


Résumé de l’éditeur:

A la mort de sa mère, découvrant les rites funéraires de ses origines, Farida se replonge dans son enfance, si loin de sa vie d’adulte. Les mots et les souvenirs se bousculent alors qu’elle raconte pour la première fois la vie de cette famille d’immigrés algériens : les HLM misérables, les hommes brisés par l’illettrisme et la colonisation, les mères pétrifiées. Au milieu, une fratrie élevée dans une violence inouïe mais soudée par le rire et la force de vie.

Émerge la vision crue et poétique d’une enfance française, l’âpre histoire d’une petite fille qui a su se recréer et se faire une place dans un monde nouveau, animée par une extraordinaire résilience.

Grande figure de la mode, Farida Khelfa est aussi réalisatrice et productrice de films documentaires. Née de parents algériens, elle est élevée dans la cité des Minguettes à Lyon. A 16 ans, elle fuit à Paris pour vivre en femme libre.


A ce souvenir, des larmes ruissellent, la joie va de pair avec le malheur. Le bonheur n’existe pas s’il n’est pas précédé d’un grand désespoir, c’est le glissement de l’un à l’autre qui crée la mélancolie.

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