Jean est médecin généraliste, homosexuel et papa d’un petit garçon, comme Baptiste Beaulieu. Comme l’auteur également, le personnage principal rencontre une grande difficulté depuis quelques années à faire sortir ses émotions par le biais des larmes, un rouage qui s’est grippé à force de côtoyer l’injustice de ce monde où les enfants peuvent mourir d’être aimés. Cherchant à mettre de la distance avec sa propre vie j’imagine, Baptiste Beaulieu se raconte à travers cet alter égo littéraire, cet autre lui-même qui n’est autre que lui finalement, à la différence près qu’il change les noms des patients. Alors Jean nous raconte les anecdotes de la vie de médecin de famille, la rage envers le monde qu’il trimballe avec lui et puis la tendresse qu’il a pour ces gens cabossés qu’il accueille tous les jours dans son cabinet. Il nous raconte ce monsieur qui saignait de partout mais allait se mettre à l’anglais pour son épouse décédée qui lui manque tant, cette militante admirable que ses proches ont veillée jusqu’à son dernier soupir, cette dame intraitable qui ne s’est jamais laissée soigner mais qui l’a quand même remercié, au final et à sa manière. Il nous raconte ses envies de casser la gueule des hommes qui attendent dans la salle d’attente quand leurs femmes viennent consulter avec leurs visages cabossés et leurs yeux fuyants. Il nous raconte les bons moments comme les mauvais, ce que ça veut dire de prendre soin des gens chaque jour de sa vie, et l’impossible équilibre à trouver entre se préserver soi-même, qui à en devenir maltraitant, et tout donner pour ces autres qui n’arrêteront jamais de souffrir et d’être malades.

C’est sincère et touchant, mais ça ne m’a pas non plus fait pleurer, ce qui m’apparaissait pourtant être l’objectif. Il m’a semblé que l’auteur essayait de s’accrocher à son humour comme à une bouée de secours, même si la vie et son métier a l’air de lui faire rire jaune la moitié du temps. J’ai été décontenancée par cette ironie à chaque page, au milieu de ces récits de vie racontant la perte d’un être cher, les violences d’un mari sur sa femme, les maladies incurables et la mort, pas forcément au bout du chemin, mais parfois beaucoup trop vite arrivée. J’imagine que face à tous ces destins, à toutes ces douleurs, face à l’impuissance d’être seulement médecin, d’être supposé soigner mais de ne pas pouvoir tout réparer, on a besoin de faire de l’humour, on a besoin d’essayer de rire pour ne pas sombrer. Mais n’est-ce pas repousser les larmes que d’essayer toujours d’ironiser sur l’existence ?


Résumé de l’éditeur:

Le docteur Jean est généraliste dans une ville du Sud-Ouest. En ces temps de déserts médicaux, sa salle d’attente est toujours pleine et il soigne tout le monde. Ce médecin de famille n’a pourtant rien de classique.
Sous le masque de ce personnage romanesque, se révèlent le quotidien du docteur Baptiste Beaulieu et son regard engagé, plein d’empathie mais aussi de colère, sur la médecine actuelle et, surtout, sur les violences faites aux femmes.
Il les aime, ses patientes, le docteur Jean. Lui, son problème, c’est qu’il n’arrive plus du tout à pleurer. Jamais. Où se cachent-elles, ses larmes ?


Rétablir la symétrie entre soignant et soigné, c’est aussi épouser les choix du patient, les tenir pour seule boussole, quand bien même ces choix ne cadrent pas avec notre vision. C’est savoir s’effacer derrière sa vérité, et accepter de ne pas toujours avoir raison.

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