Damon n’est pas entré dans la vie avec les meilleurs cartes en main. Fils d’une mère toxicomane et alcoolique, il grandit dans un mobilhome perdu dans l’Amérique profonde, celle du charbon et de la drogue – celle des pèquenauds, et fiers de l’être. Malgré l’aide bienvenue de la famille Peggot, le petit Damon, vite surnommé Demon Copperhead, grandit dans une instabilité chronique, d’autant plus problématique quand sa mère se remarie avec un type imbuvable qui commence rapidement à la battre. Sans vous dévoiler toute l’intrigue, largement calquée sur celle de David Copperfield dont ce livre est une réécriture, disons que Damon va continuer à aller de galère en galère, tentant régulièrement de prendre son destin en main mais ne récupérant que des claques en retour. Un bon gamin, somme toute, qui essaie globalement de s’en sortir, mais qui devra fournir trois fois plus d’effort que n’importe qui, vu comme il part de loin.

Je n’avais jamais entendu parler de Barbara Kingsolver avant de lire ce roman, et je dois dire que maintenant, j’ai bien envie de découvrir d’autres titres de cette autrice. Incroyablement bien écrit, Demon Copperhead nous transporte totalement dans l’univers très particulier de ces zones oubliées des Etats-Unis où le rêve américain est allé mourir au fond d’une mine et tout le monde essaie de l’oublier à coup d’opioïdes plus ou moins légaux. Malgré tout, c’est un petit pays de Cocagne pour un gamin qui grandit libre comme l’air, à aller patauger dans la boue avec son copain Maggot, à courir dans les bois et à faire des bêtises en pleine nature. Qui voudrait quitter cet eldorado ? Alors Damon reste, revient, s’accroche à cette contrée qu’il aime malgré tout, et essaie de tirer son épingle du jeu.

Il y arrive presque à un moment donné, il prend sa revanche sur la vie mais finalement rien ne dure jamais, il se retrouve de nouveau au fond du trou, et la dégringolade n’en est que plus violente. C’est finalement ça l’histoire de Demon Copperhead, que Barbara Kingsolver nous raconte magnifiquement bien : un gamin qui se casse la gueule et qui se relève, encore et encore, grâce à quelques personnes bien intentionnées dans son entourage, un gamin qui, malgré toute la merde qu’on lui a déversé sur la tête toute sa vie, tente d’être quelqu’un de bien, autant qu’il le peut. C’est assez beau, même si c’est triste la plupart du temps, et ça fait un roman incroyable.


Résumé de l’éditeur:

Né à même le sol d’un mobilhome au fin fond des Appalaches d’une jeune toxicomane et d’un père trop tôt disparu, Demon Copperhead est le digne héritier d’un célèbre personnage de Charles Dickens. De services sociaux défaillants en familles d’accueil véreuses, de tribunaux pour mineurs au cercle infernal de l’addiction, le garçon va être confronté aux pires épreuves et au mépris de la société à l’égard des plus démunis. Pourtant, à chacune des étapes de sa tragique épopée, c’est son instinct de survie qui triomphe. Demon saura-t-il devenir le héros de sa propre existence ?

Comment ne pas être attendri, secoué, bouleversé par la gouaille, lucide et désespérée, de ce David Copperfield des temps modernes ? S’il raconte sans fard une Amérique ravagée par les inégalités, l’ignorance, et les opioïdes – dont les premières victimes sont les enfants –, le roman de Barbara Kingsolver lui redonne toute son humanité. L’auteur de L’Arbre aux haricots et des Yeux dans les arbres signe là un de ses romans les plus forts, couronné par le prestigieux prix Pulitzer et le Women’s prize for fiction.


Le problème quand on étudie nos origines c’est qu’on finit par avoir envie de frapper quelqu’un, par exemple Bettina Cook et tout le tintouin. (Faut pas rêver. Son père étant à la tête des supporters de football et grand donateur.) Autrefois nous menions une vie honnête, consacrée tout entière à Dieu et au pays. Puis le monde a changé. Désormais, il n’y a plus de Dieu, et plus de pays, mais l’idée que le charbon est un don de Dieu, tu l’as toujours dans le sang et t’as envie d’y croire. Parce que sinon c’est une arnaque de plus à bord de ce train qui a sillonné nos montagnes depuis que Georges Washington est passé et a mis son équipe au boulot pour abattre nos arbres. Tout ce qui pouvait être pris a disparu. Les montagnes avec leurs sommets explosés, les rivières qui coulent noires. Les miens sont morts d’avoir essayé, ou pas loin, accros que nous sommes à l’idée de rester en vie. Il n’y a plus de sang à donner ici, juste des blessures de guerre. La folie. Un monde de douleur, qui attend qu’on l’achève.

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