Ce qu'aimer veut dire, Mathieu Lindon, Editions P.O.L, Michel Foucault, Prix Médicis

🏆Prix Médicis 2011

Mathieu Lindon a eu une vie riche en rencontres hors du commun, sans en être particulièrement conscient. Mais sa rencontre, et surtout sa relation, avec Michel Foucault a changé sa vie. Comme il le dit lui-même, il est le héros d’un roman d’apprentissage sans fin, et Michel a joué dans cet apprentissage un rôle-clé.

Lorsque j’étais jeune, je trouvais que j’étais intelligent. Puis je me suis rendu compte que j’étais bête, aussi, mais cette constatation m’a parue un signe d’intelligence. puis je n’ai pu faire autrement que de découvrir que quand j’étais bête, j’étais bête, le savoir n’y changeait rien.

Si l’auteur nous raconte des épisodes de sa relation avec Michel Foucault, il ne nous la détaille pourtant pas vraiment, il garde autour de cette relation une part de mystère. Il ne veut pas vraiment qu’on comprenne à quel point ils étaient liés, il ne veut pas vraiment qu’on imagine leur relation et les moments qu’ils ont partagés, ce qu’il veut c’est maintenir un flou, une tension entre ses personnages, donner une certitude au lecteur sans l’expliciter.

Il cherche surtout à nous montrer que chaque moment partagé s’est accompagné de sa leçon de vie, que chaque instant avec Michel l’a fait avancer d’une manière ou d’une autre sur le chemin de la vie. Parfois par des conseils avisés, des aventures malencontreuses, des principes énoncés, mais aussi dans l’opposition quasi-systématique entre l’ami (Michel) et le père, la figure dominante et tutélaire de Jérôme Lindon, prestigieux directeur des Editions de Minuit.

Pour qui a été élevé dans les normes familiales, manquera toujours de ne pas avoir rencontré ses parents ni été rencontré par eux. Il n’y a pas eu de coup de foudre naturel, objectif, ni libre apprentissage de l’autre. L’amour préexiste d’un côté, est nécessité de l’autre – c’est un plus et c’est un moins.

On sent tous les dilemmes de l’auteur, à la fois fier de sa filiation, conscient des avantages qu’elle lui procure, de l’importance qu’elle a eu sur sa vie, sur son amour de la lecture, sur son caractère, mais aussi parfois embêté d’être un « fils de ».

On trouve là un véritable roman d’apprentissage, qui, même s’il retrace l’apprentissage de Mathieu Lindon, auprès de tous ces hommes qui ont traversé sa vie, s’adresse aussi à nous, lecteur, et tente de nous inculquer ne serait-ce que la moitié des leçons qu’il a apprises au cours de ces trente dernières années.


Résumé de l’éditeur :

Dans ce récit Mathieu Lindon rend hommage à Michel Foucault, au professeur de liberté, à l’ami généreux qu’il fut, qui lui prêtait son appartement pendant ses longues absences qui, sans y toucher, sans peser d’aucune manière, l’a sans doute beaucoup plus guidé et aidé qu’il n’en eut alors conscience. Et par la grâce du talent évocateur de l’auteur ce sont six années de sa jeunesse qu’il nous restitue, agitées, confuses parfois, mais éclairées par cette amitié. Parallèlement à la figure de Michel Foucault est aussi, bien sûr, tracée celle de Jérôme Lindon, le père. Et de Samuel Beckett le bienveillant, et de Robbe-Grillet, Hervé Guibert, tant d’autres anonymes ou connus. Mais si l’intérêt historique de ces pages est évident , si nous y découvrons un Michel Foucault qu’humanise l’intimité amicale, elles sont plus encore marquées par un regard d’une profonde innocence sur les hommes, les ambitions, les mouvements du cœur, la jeunesse, la filiation, l’amitié.


Les livres me protègent . Je peux toujours m’y recroqueviller, bien à l’abri, comme s’ils instauraient un autre univers, entièrement coupé du monde réel. J’ai le sentiment paradoxal que rien ne m’y atteint alors qu’ils me bouleversent d’un façon maladive, victime d’une sensibilité excessive à l’écriture, tels ces êtres contraints de se laisser pousser les ongles pour ne pas, par distraction, toucher je ne sais quoi du doigt alors que leurs doigts sont trop fragiles pour supporter le moindre contact. Je devrais de même lire avec les ongles mais je suis trop heureux d’être sans cesse ébranlé.

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