📖68 Premières Fois – Automne 2018
René Boley était un homme comme on n’en fait plus, un homme d’une France désormais oubliée. Forgeron à 14 ans, champion de France de boxe amateur dans sa catégorie, réincarnation de Jésus au théâtre paroissial, chanteur d’opérette à ses heures perdues, il passait son temps libre à chercher des mots dans le Petit Larousse illustré et à tirer la luge de son fils, Guy. Celui-ci prend aujourd’hui la plume pour rendre hommage à ce père, illustre dans son enfance, puis ange déchu après le décès du petit frère. Il rattrape ces années où, jeune révolutionnaire en quête de liberté, il se moquait de ces parents vieille France, encroûtés dans leurs origines prolétaires et leur peine, et fais revivre de rares moments volés de communion avec ce père hors du commun.
Je ne suis pas tout de suite rentrée dans cette histoire, dans ce monde si différent du mien, dans le récit d’enfance de cet orphelin de père subissant les assauts d’une mère intransigeante. Les premiers chapitres m’ont laissée de marbre, n’ont créés entre ce livre et moi qu’une distance d’incompréhension, qu’une difficulté à saisir le sens de ces phrases si travaillées. J’ai délaissé Quand Dieu boxait en amateur quelques jours, puis je l’ai repris, guidée par toutes les critiques élogieuses que j’avais parcourues. J’ai laissé la poésie de Guy Boley m’envahir, j’ai oublié ma vie pour me plonger dans celle de René, j’ai fait un grand pas en arrière dans le temps – et la magie a opéré, j’ai finalement été transportée !
Amusée par le cynisme sans pitié de l’auteur, ses gentilles piques sur l’Eglise, la religion, l’électorat d’extrême-droite, et le monde prolétaire, j’ai bien ri des péripéties du père abbé pour imposer son spectacle, cette passion du Christ mêlée de boxe avec René en rôle-titre. Puis c’est dans la troisième partie, plus personnelle et plus sincère, que les larmes me sont venues, qu’un sourire attendri s’est dessiné sur mon visage à la lecture de ce père, ce grand enfant rêveur et passionné. J’aurais peut-être mieux compris si j’avais lu Fils du feu avant – il aurait peut-être fallu faire les choses dans l’ordre. Mais ça ne m’a finalement pas empêchée d’apprécier ce deuxième opus, que je n’arrivais plus à lâcher sur la fin, accrochée au style atypique, à ce don incroyable pour agencer les mots et détourner les expressions populaires, et plus accrochée encore à cet amour filial intense et rédempteur. Un « uppercut littéraire« , indéniablement.
Dans une France rurale aujourd’hui oubliée, deux gamins passionnés par les lettres nouent, dans le secret des livres, une amitié solide. Le premier, orphelin de père, travaille comme forgeron depuis ses quatorze ans et vit avec une mère que la littérature effraie et qui, pour cette raison, le met tôt à la boxe. Il sera champion. Le second se tourne vers des écritures plus saintes et devient abbé de la paroisse. Mais jamais les deux anciens gamins ne se quittent. Aussi, lorsque l’abbé propose à son ami d’enfance d’interpréter le rôle de Jésus dans son adaptation de La Passion de Notre Seigneur Jésus-Christ, celui-ci accepte pour sacrer, sur le ring du théâtre, leur fraternité.
Ce boxeur atypique et forgeron flamboyant était le père du narrateur. Après sa mort, ce dernier décide de prendre la plume pour lui rendre sa couronne de gloire, tressée de lettres et de phrases splendides, en lui écrivant le grand roman qu’il mérite. Un uppercut littéraire.
Il obéit, mon père, comme toujours. Il doit avoir vingt ans, désormais, la Seconde Guerre mondiale vient de déposer ses armes au pied des bâtiments en ruines, ainsi que ses lauriers au pied des monuments aux morts. Il faut reconstruire la France, et, dans le même temps, bâtir sa propre vie. Lui, il obtempère, ne se pose pas vraiment de questions. Il est là pour agir. Faut grandir ? Soit, grandissons. Travailler ? Soit, travaillons. Toujours il obéit. A sa mère,à la vie, à la petite et à la grande Histoire. Au destin qu’il se forge, entre enclume et marteau, phalanges et sac de frappe.
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Un des derniers qu’il me reste à lire 😉
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Le meilleur pour la fin !
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Ah, la prose de Guy Boley… splendide !
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