L'Âge de la lumière Whitney Scharer Editions de l'Observatoire Rentrée Littéraire 2019 The Unamed Bookshelf Lee Miller Man Ray

Lee Miller, encore une femme que l’histoire laisse souvent de côté, malgré son rôle prépondérant dans l’art photographique de l’entre-deux-guerres et dans les reportages sur la Seconde Guerre Mondiale. Élève et amante de Man Ray, elle est souvent reléguée dans son ombre, cette femme pourtant assez téméraire pour se faire photographier dans la baignoire d’Hitler. Whitney Scharer explore dans ce premier roman ambitieux les années charnières de la vie de Lee, ces années parisiennes qui transforment le mannequin qu’elle était en photographe surréaliste aguerrie.

En se coulant dans l’esprit de la photographe, l’auteur démontre sa capacité à saisir la réflexion artistique, à décrire avec précision l’oeil créatif de son sujet. Paris nous apparaît dans toute la splendeur des Années Folles, dans une myriade de détails que seul un œil de photographe parvient à capturer : Lee Miller voit le monde qui l’entoure comme autant de photos à prendre, comme autant de sujets d’intérêt, une perspective rare et magnifiquement décrite par Whitney Scharer.

Malgré quelques longueurs dans le récit induites par le style très descriptif, j’ai beaucoup apprécié de pouvoir découvrir cette période, certes romancée, de la vie de Lee Miller. Complété par de petits aperçus des années de guerre pendant lesquelles Lee sillonne l’Europe comme reporter, ce récit donné une vision très entière de ce personnage atypique et complexe, cette femme à la fois forte et faible, torturée et marquée par des événements tragiques, amoureuse et pourtant toujours en quête de liberté. Belle réussite pour ce premier roman, à la fois un beau portrait de Lee Miller et une véritable déclaration d’amour a un Paris désormais révolu.


Résumé de l’éditeur:

Paris, 1929. Lee Miller, une jeune américaine, débarque à Paris.
Mannequin, belle comme le jour, elle rêve pourtant de passer derrière l’objectif, animée d’une seule passion, d’une unique obsession : la photographie.

Presque par hasard, Lee attire l’attention de May Ray, illustre photographe gravitant dans le Montparnasse  surréaliste de Dalí et sa bande d’extravagants artistes. Mais pour Man Ray, Lee demeure la muse par excellence. Entêtée, la jeune femme réussit le convaincre de lui donner sa chance. Elle deviendra l’assistante, l’élève, puis l’amante du grand photographe. Dans l’intimité de la chambre noire, leur art et, très vite, leurs corps se lient et s’unissent. Mais alors que Lee se révèle une artiste hors pair, Man, jaloux maladif et génie égocentrique, ne peut bientôt plus supporter l’ascension de celle à qui il a tout appris.

Des cabarets du Paris bohème aux champs de bataille d’une Europe déchirée par la Seconde Guerre mondiale, de la découverte de techniques de photographie révolutionnaires à l’immortalisation de la libération des camps de concentration, Lee Miller s’impose comme une artiste absolue, une femme hors du commun.


Les premières notes s’élèvent à peine que la scène est prise d’assaut par les danseurs. Cette fois encore, Lee est transportée. C’est la plus pure expression de l’émotion : des sentiments qui s’incarnent, comme inscrits dans les corps. Ah, ces corps ! Lee adorerait les photographier. Rien que les os, le tissu conjonctif visible sous la peau, comme si elle devait voir de quoi ils sont faits. Lee voudrait les prendre en photo devant les décors d’Antonio, les muscles apparaissant en relief sur les panneaux de soie. La fermeté de leurs corps la fascine et, quand ils se meuvent, Lee pense aux douleurs causées par la danse, aux pieds des ballerines, écrasés dans leurs chaussons et qui leur font si mal quand elles sont sur les pointes, aux mollets puissants des hommes entourés de bandages. Et à son propre corps, mou, en comparaison. A l’exception de ses mains, à la peau sèche, desquamée, qui se sont durcies dans la chambre noire. Elle souhaiterait épaissir, voir son corps devenir un cal à force de travailler. Lee voudrait être quelqu’un qui se dépense, qui essaie des choses. Elle ne veut pas être molle.

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