Un mariage américain Tayari Jones Editions Plon Grand Prix des Lectrices Elle 2020 The Unamed Bookshelf

🙋🏼Grand Prix des Lectrices Elle 2020

Je ne suis pas noire et je ne vis pas dans le sud des Etats-Unis. Je ne suis pas Celestial, et je suis à mille lieues de pouvoir seulement imager ce que Roy a pu vivre en étant emprisonné pour un viol qu’il n’avait pas commis. Cela dit, toute la magie de la littérature repose sur sa capacité à vous faire ressentir des émotions, vivre des situations, traverser des difficultés incroyablement éloignées de votre ordinaire, du moment très précis où vous lisez confortablement assis dans votre fauteuil de métro parisien. Je n’ai pas retrouvé cette magie dans le livre de Tayari Jones, pourtant largement plébiscité et récompensé. Je suis restée extérieure à l’histoire, moi aussi j’ai regardé « observé de derrière le rideau comme une jeune fille du Sud bien élevée« . Ce triangle – où devrais-je dire ce carré? – amoureux n’a pas su me toucher, faute d’avoir réussi à m’attacher aux personnages. Ils ont beau se passer la parole, ils sont tous les trois rigoureusement identiques, même style, même langage, mêmes convictions, mêmes préoccupations – plus d’une fois, j’ai dû revenir à la première page du chapitre pour retrouver qui parlait.

Non, ça n’a pas pris – même si j’ai tout de même fini ce livre, histoire d’en connaître la fin. J’aurais aimé plus de contexte, plus de détails sur les souffrances de Roy, sur la réalité de cette discrimination terrible, pivot de l’histoire et pourtant totalement inexploitée. Un peu plus de violence pour un peu moins de bons sentiments, c’est ça que j’aurais aimé trouver. Un peu plus de réalisme, un peu moins de devoir moral, un peu plus de profondeur sur ces personnages qui semblent répéter des textes écrits depuis la nuit des temps. Roy, Celestial, Andre et leurs parents manquaient tous un peu trop de complexité pour rendre cette intrigue psychologique vraiment passionnante – pourtant, la quatrième de couverture était sacrément prometteuse.


Résumé de l’éditeur:

Celestial et Roy viennent de se marier. Elle est à l’aube d’une carrière artistique, il occupe un bon job et rêve de lancer son business. Ils sont jeunes, beaux, l’incarnation du rêve américain… à ceci près que Celestial et Roy sont noirs, dans un État sudiste qui fait peu de cadeaux aux gens comme eux. Un matin, Roy est emmené au poste, accusé d’avoir violé sa voisine de palier. Celestial sait qu’il est innocent, mais la justice s’empresse de le condamner à douze ans de prison. Les hommes comme Roy ont toujours constitué les coupables idéaux.
Les mois passent, la jeune femme tient son rôle d’épouse modèle, subvenant aux besoins de son mari et lui manifestant un amour sans faille, jusqu’au jour où son habit devient trop lourd à porter. Elle trouve alors du réconfort auprès d’André, son ami d’enfance et témoin de mariage. À sa sortie de prison, Roy retourne à Atlanta, décidé à reprendre le fil de la vie qu’on lui a dérobée…


Le mariage ressemble beaucoup à une greffe. D’un côté on a la branche à peine coupée, la sève qui sourd, le parfum de printemps, et de l’autre l’arbre dépouillé de son écorce protectrice, creusé et prêt à recevoir le corps étranger. Mon père avait pratiqué cette opération chirurgicale sur un cornouiller dans la partie du jardin située le long de la maison. Il avait attaché une branche à fleurs roses volée dans les bois sur l’arbre à fleurs blanches de ma mère, acheté dans une pépinière. Il avait fallu des mètres de jute et deux ans pour que le greffe prenne. Aujourd’hui encore, après toutes ces années, le cornouiller a quelque chose de pas tout à fait naturel, en dépit de sa splendeur bicolore.

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