Trésor national Sedef Ecer Éditions JC Lattès Rentrée Janvier 2021 The Unamed Bookshelf

Alors qu’Esra Zaman, la plus grande actrice turque (fictive) de tous les temps, « Trésor National » du peuple turc, se meurt sur son lit d’hôpital, en plein coup d’Etat de Juillet 2016, elle demande à sa fille, qu’elle n’a pas vue depuis des années, d’écrire un discours pour ses grandioses funérailles. Une histoire un peu folle, mais qui nous entraîne immédiatement dans un incroyable tourbillon : prise au jeu, Hülya (ou Julya) cherche à reconstituer la vie de sa mère, cet être fantasque à part, dont le destin a été si intimement lié à celui de son pays. Dès le premier chapitre, ce sont trois coups d’Etat qui nous sont racontés, trois moments-clés de l’histoire de la Turquie et de la vie de cette femme impossible à saisir, Esra Zaman, actrice, amante, et mère ensuite.

C’est un récit d’une puissante intimité, puisque tout au long du texte, Hülya s’adresse à sa mère, cherchant peut-être à lui faire prendre conscience du rôle-clé qu’elle a joué dans les traumatismes de son enfance : la perte de son père, l’insupportable ignorance dans laquelle l’a plongée sa disparition, les doutes sur l’influence de l’amant de son père, le feu des projecteurs auxquels elle n’a jamais pu échapper, jusqu’à son départ définitif d’Istanbul. C’est étrangement tout autant un procès d’intention qu’une lettre d’amour à sa mère que la narratrice écrit sous nos yeux, au gré de ses découvertes et des souvenirs qu’elle relate. On sent sa profonde admiration pour sa mère, sa fascination pour cette femme à nulle autre pareil, et son envie irrépressible de continuer à la renier, après toutes ces années passées loin d’elle, à construire une vie diamétralement opposée à la sienne.

Les détails que nous donne Sedef Ecer rendent cette lecture profondément déroutante : tout paraît si vrai, chaque phrase est assortie d’une petite anecdote, d’une réflexion personnelle criante de sincérité, comment croire que l’auteure a tout inventé ? Largement inspiré de son enfance sur les plateaux d’ « Istanbullywood« , ce texte n’en est pas moins une fiction, qui nous plonge au coeur de l’âge d’or du cinéma turc, dans une société bien éloignée de celle qu’on retrouve aujourd’hui en Turquie, marquée par les influences croisées de l’Orient et de l’Occident, férue de culture française et anglaise, délurée et chaotique. C’est une immersion dans l’incroyable histoire de ce pays qui a connu mille revirements, et un voyage magnifique dans une des plus belles villes du monde. Vous l’aurez compris, c’est un livre qui m’a bouleversée et emportée entièrement – un coup de coeur !


Résumé de l’éditeur:

Hülya a quitté Istanbul à 16 ans et s’est installée à Paris. Elle s’est inventée peu à peu une vie ordinaire et a coupé tout lien avec sa mère : une actrice adulée, le « Trésor national » du cinéma turc. Le putsch raté de juillet 2016 l’oblige à se souvenir : d’une enfance passée sur les plateaux, de la diva flamboyante qu’était sa mère, de la disparition de son père, de cette Turquie laïque qui n’est plus, ces années d’insouciance fracassées par trois coups d’Etat.
Malgré les années passées, l’absence, sa mère n’a pas changé : elle continue à vivre dans son rêve, pour ses rôles, pour sa gloire.
Elle prépare le dernier spectacle de sa vie : son enterrement somptueux au Théâtre de la ville d’Istanbul. Elle charge sa fille d’écrire un discours. Hülya hésite puis se décide : elle écrira l’histoire de cette mère qui l’a si peu été, cette femme soleil et démon. Elle cherchera la vérité.
Un premier texte d’une force romanesque inouïe qui mêle l’histoire turque, une passion amoureuse bouleversante et un hommage à la fiction, au cinéma.


Ravie par l’étonnement que tu provoques, tu te mets à édifier les carrières de tes ascendantes, amusée par ta propre surenchère de bobards, tu oses remonter jusqu’à Roxelane qui serait ton arrière-arrière-arrière-grand-mère. Sauf qu’en Turquie, chacun connaît cette actrice caucasienne car il s’agit de la femme de Soliman le Magnifique, l’ombre de Dieu sur terre, l’allié de François 1er. Tu es donc sans vergogne en train de raconter que tu en es la descendante, juste parce que comme tu le diras plus tard à Ishak, la vie est terne et il n’y a que les balivernes qui la rendent supportable.

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