Chroniques du Pays des mères  Elisabeth Vonarburg Folio SF Janvier 2021 The Unamed Bookshelf

Avec ses Chroniques du Pays des Mères, Elisabeth Vonarburg signe un roman d’anticipation déroutant, dans lequel les femmes ont pris la tête de la société, au détriment des hommes, de moins en moins nombreux et utilisés uniquement pour leur rôle dans la procréation, à travers le « Service ». Aux côtés de la jeune Lisbeï, nous découvrons cette société matriarcale poussée à l’extrême, où tout est à l’inverse de ce que nous connaissons aujourd’hui : les mots sont féminisés, le féminin l’emporte toujours, la religion monothéiste célèbre une femme, Elli, dont la fille est venue sur Terre pour prêcher sa parole (et ressusciter, deux fois !). La découverte successive d’écrits des temps anciens amène Lisbeï à remettre en question ce monde dans lequel elle a grandi, les certitudes qu’on a essayé de lui inculquer dès son plus jeune âge, les rapports de domination entre les hommes et les femmes, et les exigences du « Service », poussant hommes et femmes à enfanter autant que possible, les privant tous du bonheur de la parenté.

Ecrit en 1997, Chroniques au Pays des Mères évoque étrangement La servante écarlate de Margaret Atwood à l’inverse : si la reproduction est ici aussi l’enjeu majeur du Pays des Mères et la religion a également pris une place très importante dans ce possible monde futur, le patriarcat a complètement disparu après l’époque des Harems. Pour autant, les femmes fertiles s’habillent de rouge et les stériles de bleu, et chacune semble définie par son statut de reproductrice, quelque soit sa place dans la société. Elisabeth Vonarburg interroge ainsi notre capacité à croire, notamment en des histoires qui semblent pourtant invraisemblables, et ce qu’il faut pour nous amener à les remettre en question de manière rationnelle. Elle aborde également de nombreux thèmes universels de manière détournée : amour, amitié, raison d’être, justice, vérité, religion, enfantement, etc.

Si j’ai été déroutée par le style d’écriture du récit, surprenant pour la lectrice française que je suis, je dois dire que je suis admirative du travail d’imagination de l’auteure et de la complexité de ce monde qu’elle a réussi à inventer. C’est un excellent roman de science-fiction pour les non-initiés, et particulièrement adapté en cette période pour réfléchir à l’avenir que nous voulons construire !


Résumé de l’éditeur:

Sur une Terre dévastée, les hommes sont devenus rares, un virus déséquilibrant les naissances. Le Pays des Mères a toutefois pu s’établir en ayant recours à l’insémination artificielle.
La jeune Lisbeï se pense promise au titre de « Mère », jusqu’au jour où elle apprend sa stérilité. Loin de chez elle, devenue « exploratrice », elle accomplira l’un de ses rêves les plus chers : découvrir les secrets du lointain passé du Pays des Mères.

Chroniques du Pays des Mères propose une réflexion douce, intime et profonde sur ce que pourrait être un monde blessé, entretenu et réparé par les femmes. Son écriture, son style comme ses thématiques entrent tout particulièrement en résonance avec les questions contemporaines.


Il y a des moments où, de la présence simultanée d’éléments disparates, jaillit soudain une étincelle qui se propage aussitôt. Tous ces éléments portent à notre insu une parcelle identique de sens inflammable. Et elles se combinent en nous, une chimie invisible se cristallise tout à coup en une illumination, comme on dit, « fulgurante ». Une intuition irrésistible. Après, on reconstruit, on se dit que « c’était évident » mais on se trompe : c’est devenu évident. Les conséquences de cet éclair sont allées modifier notre conscience en amont, comme en aval la réalité que nous percevons : notre futur, mais aussi notre passé. Et il faut tout un travail pour reconstituer cette intuition dans ses détails, retrouver dans la linéarité des mots cette certitude globale qui a en quelque sorte court-circuité le langage et la durée : il faut essayer, péniblement, de revenir, de se souvenir de ce qu’on a su.

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