Buenos Aires n'existe pas, Benoît Coquil, Editions Flammarion, Rentrée littéraire 2021, The Unamed Bookshelf

A travers une restitution plus ou moins imaginaire des neufs mois passés à Buenos Aires par Marcel Duchamp, Benoît Coquil nous propose ici de découvrir ce personnage atypique de l’avant-garde artistique. Sorte de Léonardo Da Vinci du XXème siècle, Duchamp est un original, toujours en train de griffonner sur ses petits papiers, transportant partout sa Sculpture de voyage franchement étrange, passant ses nuits à jouer compulsivement aux échecs, seul dans sa chambre. Ce personnage, je le connaissais bien peu, à peine l’avais-je croisé dans quelques biographies, et ce fut intéressant d’en savoir plus sur sa vie et son œuvre.

Pour autant, j’ai été gênée à la lecture par les nombreux paragraphes de réclames publicitaires fantasques et improbables : est-ce que ce sont des textes écrits par Marcel Duchamp pendant son séjour en Argentine ? Est-ce une plaisanterie qu’il avait coutume de faire à ses correspondants, de singer avec ses amis ? Je n’ai pas tellement compris la place de ces textes dans le récit, ils reviennent souvent, soit sous la forme d’un paragraphe en fin de chapitre soit comme texte à part entière, pour clôturer un chapitre, un moment de la vie de Marcel Duchamp. Ils donnent un aspect très décousu au récit, qui est déjà assez difficile à suivre, avec ses sauts dans le temps, ses retours en arrière, ses chapitres contextuels puis ceux centrés uniquement sur Duchamp et sa prolifique vie intérieure.

Je suis restée très extérieure au texte, notamment à cause du style, qui place le lecteur et le narrateur comme simple observateurs, tout juste habilités à faire quelque suppositions sur ce qu’il se passe dans la vie, et dans la tête de Marcel Duchamp à ce moment-là. A force de vouloir maintenir la vérité historique et biographique, Benoît Coquil nous sert un roman qui n’a rien de romanesque, ni vraiment d’historique ou de biographique, mais plutôt une succession de tableaux descriptifs d’une vie dont on ne sait réellement à quel point elle fut vraie. Un desencuentro, « rendez-vous manqué » comme le précise l’auteur dans le texte, pour moi aussi.


Résumé de l’éditeur:

Il est l’Ulysse aux mille ruses de l’art moderne, le Français le plus connu de l’époque à New York avec Sarah Bernhardt. Mais pour l’heure, c’est juste un mince jeune homme au complet froissé qui sent le tabac froid.
Nous sommes le 9 septembre 1918 et Marcel Duchamp, qui a fui les États-Unis, descend du Crofton Hall comme le parfait don nadie, Monsieur Tout-le-monde. Il cherche une Arcadie, un rivage un peu ouaté qui assourdisse le boucan de la guerre : ce sera Buenos Aires. Mais ce que Duchamp ne sait pas à son arrivée, c’est que la ville parle mille langues, raffole des sciences occultes, ignore encore le cubisme et s’apprête à connaître la plus grande insurrection ouvrière de son histoire.
Ce récit littéraire raconte un « blanc » biographique, où la fiction est appelée à la rescousse là où manquent les documents. Jusqu’à imaginer les desencuentros, les rendez-vous manqués de Duchamp avec quelques-unes des plus grandes figures argentines, dont Jorge Luis Borges.


« J’ai beaucoup flemmé », écrira-t-il au moment de partir de Buenos Aires, mais on n’est pas complètement dupe. On sait bien que ceux qui se consacrent à la cosa mentale ont pour les gens affairés des allures de flemmards. Mais on sait bien aussi qu’il y a flemme et flemme, et que ces songeurs-là, Léonard ou Marcel, ne sont pas des songe-creux.

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