Vous avez déjà terminé un livre en vous disant que c’est exactement le type de récit que vous auriez aimé écrire ? C’est ce qui s’est passé pour moi avec L’Odyssée de Firuzeh, superbe roman sur l’exil d’une famille afghane vers l’Australie, qui a nécessité neuf ans de recherches pour son autrice, E. Lily Yu. Contraints de quitter Kaboul pour assurer leur sécurité, les protagonistes se retrouvent à confier leur destin à divers passeurs plus ou moins fiables, au risque de se mettre en péril, avant d’être récupérés par les garde-côtes australiens et installés dans un camp sur l’île de Nauru. N’ayant malheureusement pas d’autre choix, ils subissent comme ils le peuvent les épreuves qui leur sont imposées, essayant tant bien que mal de continuer à survivre, de continuer à espérer, un jour, pouvoir atteindre les rives de l’Australie, qu’ils espèrent accueillantes.

Si le thème traité par l’autrice est un thème déjà largement abordé dans la littérature contemporaine, elle l’aborde d’une manière nouvelle, étonnante, et émouvante. La majeure partie du récit est écrite du point de vue de Firuzeh, fillette contrainte de grandir trop vite, qui restitue fidèlement les dialogues autour d’elle, sans la ponctuation habituelle. D’abord déroutante, cette manière de raconter apporte finalement une certaine authenticité au texte, bien que Firuzeh soit clairement un personnage de fiction, et nous permet de mieux saisir les sentiments mêlés, les émotions diffuses et les réflexions parfois décalées que peuvent avoir ces personnes qui doivent tout quitter du jour au lendemain et essayer de se reconstruire ailleurs, si on leur en laisse la possibilité.

Mélange de fiction réaliste et d’imaginaire tiré des contes orientaux, c’est un récit plein de nuances que nous offre E. Lily Yu, qui n’entre jamais dans le manichéisme, le jugement hâtif ou la condamnation franche. Plusieurs chapitres adoptant un autre point de vue, permettent de décentrer l’intrigue et de prendre du recul sur les personnages secondaires, notamment ceux qu’il serait facile de diaboliser, comme les gardes du camp de réfugiés. C’est donc un roman qui amène à réfléchir, qui émeut et questionne, tout ce que j’apprécie dans une lecture digne de ce nom. A lire absolument !


Résumé de l’éditeur:

Atay et Abay ont toujours eu la tête sur les épaules, aussi Firuzeh et son petit frère, le turbulent Nour, ne sont-ils pas inquiets lorsque leurs parents leur annoncent qu’ils quittent Kaboul. Et puis les deux enfants ont d’autres préoccupations : d’abord, s’écharper toute la journée, puis écouter les contes d’Abay, enfin se faire des copains dans le camp de fortune où ils sont parqués après leur traversée des mers. Mais alors que les jours deviennent des mois, que les gardes ne cessent de les abreuver d’insultes et de coups et que les médicaments semblent la seule réponse des adultes au malheur, Firuzeh comprend que l’enfance touche à sa fin. Accompagnée par la fantomatique Nasima, sa meilleure amie des fonds marins, la petite fille n’en est qu’au début d’un long voyage.

Un récit d’initiation tout en beauté et fragilité, où l’âpreté de la réalité tragique rencontre la poésie et la magie d’un regard d’enfant.


« Merci », dit Grace aux photos. D’être montés à bord de ces bateaux. D’avoir lutté. D’avoir menti. De ne pas avoir lâché. D’avoir vécu. D’avoir trouvé la mort. D’avoir travaillé treize ou quatorze heures par jour dans une supérette à Footscray avant de déménager dans les collines. Pour les appels téléphoniques longue distance et les visites occasionnelles, pleines de gêne réciproque, lors desquelles Grace devenait soudain la parente riche et choyée, avec sa peau vierge de cicatrices, ses blessures invisibles.
Merci, c’était bien trop peu.

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