Ce qui reste de nos vies Zeruya Shalev Folio livres The Unamed Bookshelf Jerusalem

🏆Prix Femina Etranger 2014

Alors que leur mère, Hemda Horowitch, est sur le seuil de la mort, Avner et Dina se retrouvent face aux contradictions de leur propre vie, face à leurs insatisfactions et face à leurs regrets. Rattrapés par leurs instincts profonds, leurs manques et leurs fantasmes, ils vont déposer au pied du lit de leur mère leur vie entière, ils vont finalement venir chercher auprès d’elle ce réconfort qu’elle n’a jamais su leur apporter, elle qui s’est toujours enfermée dans ses rêveries. Au l’aube du reste de leur vie, ils se trouvent face à un choix : accepter de vivre le reste de leur vie de cette manière, ou tout tenter pour changer de vie. Mais à quarante ans passé, est-il trop tard pour reconstruire ce qui n’a pas été, trop tard pour être soi-même ?

Zeruya Shalev démontre ici tout le brio de son talent littéraire, encore plus que dans Douleur, que j’avais déjà beaucoup aimé. Dans une langue pleine d’urgence, intime à l’extrême, violente aussi parfois, elle nous parle des liens familiaux, de l’amour et du désamour, du désir de vivre et de celui de mourir. Elle nous restitue tout ce qui passe dans la tête de ses personnages, chaque réflexion, chaque rêverie, chaque envolée lyrique loin de la réalité du monde. Une telle transparence nous aspire dans leurs vies, dans leurs espoirs et dans leurs rêves, aucune distance possible dans la lecture, nous sommes eux, ils sont nous et nous cherchons tous à voir la lumière au bout du tunnel.

Aucune respiration dans ce texte, tout s’enchaîne, tout est lié – personnages, lieux, événements, aucun hasard n’est finalement à déplorer, tout n’est que le résultat fatidique de la course du destin. La seule force capable de détourner nos vies de cette route est celle de la folie, de l’inconscience de Dina quand elle veut adopter, d’Avner quand il cherche à retrouver cette femme, entraperçue à l’hôpital. C’est malgré leurs névroses, et finalement grâce à leur pouvoir métaphysique, qu’ils parviendront à changer « ce qui reste de leurs vies« .

Un roman bouleversant, un bijou de la littérature israélienne contemporaine, pouvant parler à chacun de nous, nous faire réfléchir sur nos vies, et nous donner un regain d’espoir après les eaux troubles.


Résumé de l’éditeur:

«Même si je risque de découvrir qu’aimer et être aimé, c’est trop en demander, je me contenterai soit de l’un, soit de l’autre, mais chez nous ce n’est ni l’un ni l’autre, nous le savons tous les deux, alors à quoi bon insister.»

Hemda Horowitch vit ses derniers jours. Ses souvenirs s’imposent à sa conscience : un père trop exigeant, un mariage sans amour, cette difficulté à aimer équitablement ses deux enfants, Avner et Dina. Ces derniers se rendent à son chevet à l’hôpital de Jérusalem et essaieront de sauver, chacun à leur manière, ce qui reste de leurs vies. Dans une langue puissante, Zeruya Shalev évoque la colère, le ressentiment et la peur qui construisent les familles autant que l’amour et le bonheur d’être ensemble.


Oui, il avait compris depuis bien longtemps que la réalité était désespérée, partout, pas seulement ici dans son pays, dans sa ville. Souvent, lorsqu’il traversait les rues encombrées, contemplait les jouets que l’homme s’était construits, des voitures et des avions, des armes et des charges explosives, toutes sortes de poisons visibles et invisibles, d’appareils mobiles et immobiles, il constatait, désolé, qu’on avait sans cesse oeuvré pour améliorer le cadre de nos vies sans arriver à rendre meilleure ni plus résistante la vie elle-même, au contraire, avec désinvolture, on avait augmenté la vulnérabilité de l’homme et le risque d’être blessé croissait de manière inversement proportionnelle à sa capacité à se protéger, d’ailleurs Avner s’étonnait chaque soir d’être toujours là, de trouver son immeuble toujours debout et de n’avoir pas eu l’occasion, depuis le décès de son père qui avait scellé son adolescence et jusqu’à celui de Raphaël Alon, d’être vraiment confronté à la mort, de ne l’avoir croisée qu’indirectement, des rencontres dont il ressortait toujours anxieux et presque coupable, comme en cet instant.

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