Automne Ali Smith Editions Grasset En lettres d'encre Rentrée littéraire 2019 The Unamed BookshelfAlors que le Brexit fait rage au-dehors, Elisabeth rend visite régulièrement à son ancien voisin, Daniel Gluck, avec lequel elle s’était liée d’amitié étant petite. Elle lui fait la lecture, lui raconte des oeuvres d’art et lui donne des nouvelles du dehors, alors qu’il dort du sommeil de plomb de ses cent ans. Que vous dire de plus sur l’histoire de ce roman ? Disons que l’histoire linéaire n’est pas vraiment l’essentiel ici. Au contraire, ce que l’on retient de cette lecture, c’est la poésie de ses phrases, le décalage créatif de ses dialogues, et le tranchant de ses opinions politiques.

Dans ce livre décousu, oscillant entre passé et présent, Ali Smith explore de nombreux thèmes : la vie, la mort, le temps qui passe, l’art, la littérature, la créativité comme mode de vie, le délitement de nos démocraties, à travers des politiciens véreux mais aussi à travers le vote de la majorité. Si le Brexit n’est jamais nommé, il n’en est pas moins critiqué franchement par l’auteure, qui révèle l’incompréhension la plus totale dans laquelle il a eu lieu, l’ignorance des votants ayant plébiscité le retrait de l’Union Européenne. Ali Smith parvient à merveille à décrire en quelques mots cette atmosphère confuse qui régnait au Royaume-Uni au lendemain du vote – croyez-moi, j’y vivais.

Agrégations de moments sans véritable ordre ou sens, Automne est un roman décidément atypique, agréable à lire et pourtant étrangement déroutant, avec ses personnages additionnels sortis de nulle part – Pauline Boty, Christine Keeler – et ses envolées lyriques déconcertantes. Je n’ai probablement pas saisi toutes les métaphores, tous les messages cachés par l’auteure dans ce texte, mais j’en ai définitivement apprécié la lecture.


Résumé de l’éditeur:

Daniel Gluck, centenaire, ne reçoit pas d’autres visites dans sa maison de retraite que celles d’une jeune femme qui vient lui faire la lecture. Aucun lien familial entre les deux pourtant, mais une amitié profonde qui remonte à l’enfance d’Elisabeth, quand Daniel était son voisin. Elisabeth n’oubliera jamais la générosité de cet homme si gentil et distingué qui l’a éveillée à la littérature, au cinéma et à la peinture.
Les rêves – ceux des gens ordinaires, ou ceux des artistes oubliés – prennent une place importante dans la vie des protagonistes d’Ali Smith, mais le réel de nos sociétés profondément divisées y trouve également un écho. Le référendum sur le Brexit vient d’avoir lieu, et tout un pays se déchire au sujet de son avenir, alors que les deux amis mesurent, chacun à sa manière, le temps qui passe. Comment accompagner le mouvement perpétuel des saisons, entre les souvenirs qui affluent et la vie qui s’en va  ?
L’écriture d’Ali Smith explore les fractures de nos démocraties modernes et nous interroge sur le sens de nos existences avec une poésie qui n’appartient qu’à elle, et qui lui a permis de s’imposer comme l’un des écrivains britanniques les plus singuliers, les plus lus dans le monde entier.


Je suis fatiguée de ces nouvelles. Je suis fatiguée de la façon dont on rend spectaculaire des choses qui ne le sont pas, dont on traite de façon simpliste des choses terribles. Je suis fatiguée du vitriol, je suis fatiguée de la colère. Je suis fatiguée de la méchanceté. Je suis fatiguée de l’égoïsme. Je suis fatiguée qu’on ne fasse rien pour empêcher ça. Je suis fatiguée de la façon dont on encourage ça. Je suis fatiguée de la violence qui existe, et je suis fatiguée de la violence à venir, qui ne s’est pas encore produite, mais qui arrive. Je suis fatiguée des menteurs. Je suis fatiguée des menteurs assermentés. Je suis fatiguée de la façon dont des menteurs ont laissé ça se produire. Je suis fatiguée d’avoir à me demander s’ils ont fait ça par bêtise ou volontairement. Je suis fatiguée des gouvernements qui mentent. Je suis fatiguée des gens qui s’en foutent qu’on leur ai menti. Je suis fatiguée que tout ça me fasse peur. Je suis fatiguée de l’animosité. Je suis fatiguée de la pusillanimosité.
Je ne crois pas que ce mot existe, dit Elisabeth.
Je suis fatiguée de ne pas connaître les bons mots, dit sa mère.

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