Ici-bas Pierre Guerci Éditions Gallimard Premier roman Janvier 2021 The Unamed Bookshelf

Dans Ici-bas, le narrateur raconte comment il a pris soin de son père comme d’un enfant pendant les derniers mois de sa vie, et comment il a vécu sa mort, au beau milieu d’une famille complètement dysfonctionnelle, ruinée de l’intérieur par la double vie de ce même père. Enfant de l’adultère, ayant vécu toute sa vie dans l’ombre de la famille légitime du patriarche, ce fils cadet dont nous ne connaissons pas le nom cherche à se raccrocher à ce qu’il lui reste de famille, en passant des moments privilégiés avec ce père qu’il a peu connu, ou en essayant de partager en vain sa peine avec son frère aîné. Rien d’autre ne semble exister dans sa vie que cette famille atypique : il a laissé de côté sa vie parisienne du jour au lendemain pour être au chevet de son géniteur, aucun ami compatissant ne fait son apparition dans ces moments pourtant difficiles. Alors il vit la perte de son père seul, essayant de comprendre la tristesse de sa mère, l’indifférence de son frère, la mesquinerie de ses demi-soeurs, tandis que la vie, toujours plus forte, le reprend dans son tourbillon.

Ce qui m’a immédiatement frappée quand j’ai ouvert ce livre, c’est la qualité du style d’écriture, un style très littéraire où chaque mot est patiemment pesé, inséré juste à la bonne place, au bon moment, pour garantir la fluidité de la lecture et susciter les émotions du lecteur. J’ai d’abord été agréablement surprise du ton cynique, distancié employé par le narrateur pour décrire la maladie, employant l’humour pour se protéger de la réalité, utilisant les petites anecdotes décalées comme un moyen d’accepter la patiente décrépitude d’un parent adulé. On rit un petit peu, on s’attendrit beaucoup, on accompagne le narrateur dans ses hauts-le-coeur quand il faut aider le patriarche sur la chaise percée, mais globalement, on traverse ce moment difficile avec légerté.

Pour autant, j’ai eu bien plus de difficulté à apprécier ma lecture une fois arrivée à la troisième partie, quand la mort fait son apparition. Le deuil n’est pas un thème que j’apprécie particulièrement de retrouver en littérature, surtout quand celui-ci me renvoie en pleine face des moments peu agréables de ma propre vie. Ce deuil-là m’a été trop lourd, trop sentimental, trop intense. J’ai retrouvé dans ce narrateur une partie de moi-même, celle qui cherche toujours à intellectualiser la mort quand elle frappe à ma porte, et ça m’a donné envie de finir le livre au plus vite et de l’oublier dans un coin. Bref, ce n’était pas pour moi, même si c’est incroyablement bien écrit et bien mené dans l’ensemble.


Résumé de l’éditeur:

Deux fratries issues d’un même père l’accompagnent dans ses derniers instants. À travers les yeux du fils cadet, trentenaire dont la quête de reconnaissance ne rencontre que les silences du vieillard, les rivalités familiales resurgissent. Sur le fil d’un présent hanté par les souvenirs de jours meilleurs, les regards sur le vieil homme malade et sur la mort elle-même s’entrecroisent dans un espace où le temps, bien que ralenti à l’extrême, s’écoule inexorablement. Mais comment éprouver cet écoulement ? Et que faire de la vieillesse, quand règne partout l’urgence de vivre ?


Si l’on n’est pas mourant soi-même, on ne peut se tenir très longtemps sur la frontière entre le monde et la mort, c’est évident ; mais tandis que mon père basculait de l’un vers l’autre, les yeux fermés par la foi et le visage quiet, tandis qu’il se renversait vers la mort aussi lentement qu’il faisait tout le reste, je gesticulais pour le réveiller et le raccorder à l’ici-bas par les plus vulgaires ficelles. Son détachement me pesait trop désormais, ma résignation n’avait pas tenu, des espoirs insensés m’étaient revenus avec les beaux jours. Et plus il s’effaçait dans le silence, plus mes bouffonneries m’éloignaient de lui.

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