Enfant de salaud, Sorj Chalandon, Editions Grasset, Rentrée littéraire 2021, The Unamed Bookshelf, Lyon, Klaus Barbie, procès

Comment trouver les mots pour parler d’un livre qui touche au coeur comme celui-ci ? Depuis plusieurs semaines, mes tentatives échouent, tout ce que j’aligne sur la page me semble pâle en comparaison. Dans Enfant de salaud, Sorj Chalandon raconte un double procès, celui de Klaus Barbie, chef de la Gestapo de Lyon, et celui de son père, mythomane empêtré dans les mensonges qu’il a raconté sur la guerre, sa guerre. Toute sa vie, l’auteur-narrateur a écouté son père raconter ses exploits, ses batailles et ses distinctions militaires, gardant dans un coin de sa tête ce que lui avait dit son grand-père : « Ton père, je l’ai même vu habillé en Allemand« .

Devenu journaliste pour Libération, Sorj Chalandon s’engage dans une quête de vérité : alors qu’il doit restituer le procès Barbie pour le journal, il veut savoir s’il est vraiment un enfant de salaud, si son père était du mauvais côté de l’Histoire et s’il doit, lui aussi, porter l’opprobre de son comportement anti-patriotique. Grâce à des preuves conservées par sa marraine, il met la main sur le dossier judiciaire de son père, preuve irréfutable qu’une bonne partie de ses histoires de guerres étaient fausses. Chaque jour, il assiste au procès Barbie, restituant avec émotion les voix des victimes, l’absence de l’accusé et ses provocations face à la Cour. Chaque soir, il parcourt les documents qui lui permettront de comprendre qui a été son père.

Alors qu’en vérité, les deux événements se sont passés à des périodes différentes de sa vie, Sorj Chalandon accomplit ici un tour de force en réunissant dans ces pages la grande Histoire et la petite, montrant bien comment la vie des enfants d’après-guerre a été marquée par le comportement de leurs aînés face à l’occupant. Est-ce la faute du fils si le père n’a pas été héroïque ? Le fils doit-il racheter les fautes du père si celui-ni n’a pas été un bon patriote ? La réalité de la guerre est pourtant bien plus complexe, rien n’est jamais ni blanc ni noir, surtout quand il s’agit de gamins de 18 ans engagés volontaires, avec leurs fantasmes guerriers et leurs rêves de grandeur. Cette quête de vérité n’apportera pas à l’auteur la paix qu’il recherchait, la réponse qu’il voulait – mais elle lui aura permis d’écrire un grand roman, qui restera longtemps dans ma mémoire.


Résumé de l’éditeur:

Depuis l’enfance, une question torture le narrateur :
– Qu’as-tu fait sous l’occupation ?
Mais il n’a jamais osé la poser à son père.
Parce qu’il est imprévisible, ce père. Violent, fantasque. Certains même, le disent fou. Longtemps, il a bercé son fils de ses exploits de Résistant, jusqu’au jour où le grand-père de l’enfant s’est emporté  : «Ton père portait l’uniforme allemand. Tu es un enfant de salaud !  »
En mai 1987, alors que s’ouvre à Lyon le procès du criminel nazi Klaus Barbie, le fils apprend que le dossier judiciaire de son père sommeille aux archives départementales du Nord. Trois ans de la vie d’un «  collabo  », racontée par les procès-verbaux de police, les interrogatoires de justice, son procès et sa condamnation.
Le narrateur croyait tomber sur la piteuse histoire d’un «  Lacombe Lucien  » mais il se retrouve face à l’épopée d’un Zelig. L’aventure rocambolesque d’un gamin de 18 ans, sans instruction ni conviction, menteur, faussaire et manipulateur, qui a traversé la guerre comme on joue au petit soldat. Un sale gosse, inconscient du danger, qui a porté cinq uniformes en quatre ans. Quatre fois déserteur de quatre armées différentes. Traître un jour, portant le brassard à croix gammée, puis patriote le lendemain, arborant fièrement la croix de Lorraine.
En décembre 1944, recherché par tous les camps, il a continué de berner la terre entière.
Mais aussi son propre fils, devenu journaliste.
Lorsque Klaus Barbie entre dans le box, ce fils est assis dans les rangs de la presse et son père, attentif au milieu du public.
Ce n’est pas un procès qui vient de s’ouvrir, mais deux. Barbie va devoir répondre de ses crimes. Le père va devoir s’expliquer sur ses mensonges.
Ce roman raconte ces guerres en parallèle.
L’une rapportée par le journaliste, l’autre débusquée par l’enfant de salaud.


J’avais emporté cette lettre pour provoquer une collision entre le passé et le présent. Confronter deux hommes qui nient. L’un qui se dit Altmann, l’autre qui s’est prétendu patriote. Pour narguer deux orgueils. Mais ce jour n’était pas encore venu.

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