La variante chilienne Pierre Raufast Folio livres The Unamed BookshelfAmenés par un concours de circonstances malheureuses à partager des vacances dans un coin perdu de la vallée de Chantebrie, Pascal et Margaux font la connaissance de Florin, vieil homme à l’étonnante incapacité de ressentir les émotions. Pour pallier à ce déficit émotionnel irréversible, Florin accumule des cailloux, de toute taille et forme, représentant chacun un souvenir précis. Entre deux verres de vins et deux bouffées de pipe, il va raconter aux deux voyageurs quelques anecdotes assez incroyables…

A chaque livre son mécanisme : une tentative de meurtre aux raviolis, une expédition à la recherche d’une baleine introuvable, un confessionnal propice aux confidence et ici, la mémoire défaillante d’un homme qui a toujours vécu sans être entravé par ses émotions. D’heureux hasards en phénomènes inexplicables, de trafics douteux en accidents improbables, ses histoires dépeignent une image loufoque et parfois grotesque de la vie humaine, sans aucune prétention, juste celle de faire rire et de divertir. Au milieu des histoires fantasques de Florin, Pascal le philosophe étale sa science et cite ses auteurs favoris, tout en revenant sur sa propre mésaventure malsaine, et Margaux, jeune intellectuelle innocente, bois les paroles des deux hommes en essayant d’oublier les péripéties qui l’ont amenée à s’enfuir dans cette vallée perdue.

Un bon cocktail pour un livre impossible à lâcher : des personnages attachants, des histoires rocambolesques, des réflexions philosophiques sur le poids du passé, quelques bonnes beuveries et bonnes bouffes – ça donne envie d’y être, c’est humain et agréable. Comme toujours, Pierre Raufast nous livre un roman érudit, où l’exactitude des recherches se mêle aux inventions pour combler les trous de l’Histoire – si vous aussi vous ignorez pourquoi Jorge Luis Borges n’a jamais reçu le Nobel, vous aurez ici une explication extrêmement plausible. L’imaginaire est encastré dans le réel, rendant le récit à la fois exotique et instructif pour le lecteur, lequel n’a plus d’autre choix que de poursuivre inlassablement sa lecture, jusqu’à la déception finale de la dernière page, qui laisse tant de questions en suspens… Parce que Pierre Raufast distille dans son récit de petites anecdotes, quelques noms encore inconnus dont l’histoire se retrouve dans un autre de ses livres : à nous d’être attentifs et de suivre les passerelles entre ses romans !

Un véritable plaisir de lecture, une échappée de pur bonheur ! J’ai dévoré La variante chilienne encore plus vite que les autres, il surpasse à mon avis La fractale des raviolis, La baleine thébaïde et Habemus Piratam.


Résumé de l’éditeur:

Il était une fois un homme qui rangeait ses souvenirs dans des bocaux. Deux vacanciers, réfugiés pour l’été au fond d’une vallée, le rencontrent. À Margaux, l’adolescente éprise de poésie, et à Pascal le philosophe, l’homme aux cailloux raconte. L’histoire du village noyé de pluie pendant des années. Celle du potier qui voulait retrouver la voix de Clovis dans un vase. Celle de la piscine transformée en potager. Celle de l’hélicoptère qui cueillait des noix…


– Je vais vous donner un cas, un patient que j’eus voilà quelques années. Il est mort maintenant, mais ne vous inquiétez pas, la cause de son décès n’a rien à voir avec nos affaires : des ras-taupes ayant envahi son champ, il avait en représailles décidé de les cuisiner. Il fut empoisonné par la quantité de plomb que ces bestioles ingèrent. Bref, cet homme souffrait grosso modo du même syndrome que vous. Il luttait contre l’amnésie en ramassant des petits bouts de bois. Il en avait une sacrée collection, de l’érable, du noisetier, du chêne, tous de longueurs et de formes différentes : chaque bout était associé à un souvenir auquel il tenait. Efficace.

C’est ainsi que Florin commença à ramasser un caillou chaque fois qu’il voulait se souvenir d’un moment. Le dernier en date, ce matin même, pour conserver bien au chaud la mémoire de cette nuit mémorable où nous noyâmes les vers luisants.

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