
C’est après avoir vu le film Vita & Virginia, sorti récemment en salles, que l’envie de découvrir Orlando m’a saisie. Après avoir découvert les dessous de cette romance unique entre deux femmes d’esprit, deux auteures aux personnalités si distinctes, je ne pouvais pas passer à côté du monument littéraire que Virginia Woolf a écrit pour la clore une bonne fois pour toutes. Moi qui connaissait si peu l’oeuvre de la romancière, j’ai pris une sacré claque avec ce roman atypique, contemplatif et d’une profondeur rare.
Orlando est un personnage aux milles et unes facettes, portrait romancé de Vita Sackville-West, mélange habile de son histoire familiale et de sa réalité de femme du XXème siècle, émancipée et libertine. Homme, ambassadeur, amoureux transi, écrivain, puis femme, gitane, épouse d’un marin, il traverse les siècles guidé par sa folie créatrice et son amour de la nature, questionnant sans cesse de grandes notions comme l’Amour et la « Glue-rre » poussant les plus rêveurs d’entre nous à prendre la plume. Dans un style similaire à celui de La Massaïa, écrit quelques années après, Virginia Woolf nous livre un conte moderne chargé de symboles et de messages cachés, une invitation à l’évasion et à la réflexion, une autre vision du monde et une autre manière de percevoir la réalité.
Incroyable exercice de style que celui de Virginia Woolf, dont je découvre ici l’étendue de son imagination et la virtuosité de sa plume. Mêlant magnifiquement les styles fantastique, humoristique, sarcastique, historique, poétique, elle éblouit par la richesse de sa prose, par ses envolées lyriques lors des moments de réflexion profonde de son personnage, et par ses opinions tranchées sur la condition féminine du XXème siècle, qu’elle affirme sans détours avec cet Orlando androgyne capable de comparer les deux sexes en toute liberté. C’est une lecture difficile à n’en pas douter, et j’ai parfois perdu le fil du récit quand le fantastique s’invitait de manière incongrue ou que les réflexions de l’auteur s’épanouissaient sur plusieurs pages. Mais c’est sans conteste un chef d’oeuvre ambitieux, une petite révolution romanesque qui se détache encore aujourd’hui de nos lectures habituelles.
Virginia Woolf raconte la vie d’un héros dont l’existence s’étend du milieu du XVIe siècle jusqu’à nos jours, et qui change de sexe. D’abord poète à l’époque élisabéthaine, puis ambassadeur à Constantinople, Orlando devient au XVIIIe siècle bohémienne ; s’habituant à sa condition de femme, il traverse ainsi l’époque victorienne puis atterrit dans les années 1920 où, toujours femme et devenu poète à succès, Orlando est à la recherche du sens du temps.
Paru en 1928, ce roman est marqué par l’innovation formelle de Virginia Woolf, son intérêt pour l’histoire de son pays, l’Angleterre, enfin sa passion pour Vita Sackville-West, aristocrate, romancière, poète, dont Orlando est la transposition fantasmée. Mêlant tous les genres littéraires – biographie, roman historique, autobiographie –, cet extraordinaire roman questionne, de manière très actuelle, l’instabilité des identités.
Toutes ces choses l’inclinaient, pas à pas, à se soumettre à la nouvelle découverte, que ce fût celle de la reine Victoria ou celle de quelqu’un d’autre, selon laquelle chaque homme et chaque femme a un autre être qui lui est alloué pour la vie, qu’il soutient, par lequel il est soutenu, jusqu’à ce que la mort les sépare. Elle avait le sentiment qu’il serait confortable de s’appuyer ; de s’asseoir ; oui, de s’étendre : de ne plus jamais, jamais, jamais se relever. C’est ainsi que l’esprit la travaillait, en dépit de tout son orgueil de jadis, et à mesure qu’elle descendait la gamme déclinante des émotions jusqu’à cet humble et inhabituel logis, ces vibrations et picotements qui avaient été si capiteux et riches de tant d’interrogations se modulaient en mélodies des plus douces, au point que l’on eût dit que des anges pinçaient des harpes de leurs doigts blancs et que son être tout entier était pénétré d’une séraphique harmonie.
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Je viens de recevoir le livre. Belle occasion de lire Virginia Woolf
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Bonne lecture !
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J’ai vu le film et ai aimé. Je n’ai pas lu Orlando, en revanche. Au lycée, j’ai lu « Mrs. Dalloway » dans le texte en cours d’anglais et c’était intéressant. Merci de cette chronique !
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Malheureusement le film n’est pas dans mon cinéma si l’univers de Virginia Woolf vous intéressé Anne-Marie Bourget a écrit un superbe roman ou Virginia est l’héroïne enfin du moins le centre d’intérêt, on apprend plein de choses!
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J’ai beaucoup aimé le film ! Une amie a aussi acheté « Orlando » quelques jours après la séance ciné et elle va donc très prochainement lire « Orlando » et me le prêtera après. J’avais envie de le découvrir mais je dois dire que ta chronique donne encore plus envie ! Merci pour ce retour 😊
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J’aime beaucoup cette autrice, pour une fois, peut-être plus pour sa vie que pour sa prose, même si lire Mrs. Dalloway ne m’a pas déplu. Je n’ai pas eu l’occasion de voir le film sur Vita et Virginia, mais j’aime beaucoup The Hours, où Virginia est une des trois figures principales. Quant à Orlando, ça fait très longtemps que j’ai envie de le lire, pour son personnage unique, et lire qu’il s’agit d’un portait fantasmé de Vita, m’intrigue encore plus. Je pensais que le personnage androgyne était plus une façon pour Virginia d’exprimer son homosexualité/bisexualité. Ton article me donne envie ! ^^
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