Rivage de la colère Caroline Laurent Les Escales Rentrée Littéraire Janvier 2020 The Unamed BookshelfAprès le très remarqué Et soudain, la liberté, Caroline Laurent revient à nouveau sur le devant de la scène littéraire avec l’histoire d’une autre femme d’exception, une femme Chagossienne courageuse et intrépide, Marie. Chago-quoi ? me direz-vous – et c’est bien là tout l’intérêt de ce roman d’une violence et d’une beauté inouïes. A travers l’histoire de Marie, de Gabriel et de Joséphin, Caroline Laurent raconte une histoire que sa mère évoquait quand elle était petite, attablée à la table de la cuisine. L’histoire d’un paradis perdu en plein Océan Indien, dont tous les habitants avaient été évacués de force vers l’île Maurice pour permettre aux Américains de construire une base aérienne stratégique. 1 500 hommes, femmes et enfants, largués sur le quai de Port-Louis sans ressources, sans possessions, sans nulle part où aller – et avec interdiction de retourner aux Chagos, leur terre, réquisitionnée par les Anglais.

Dans ce roman flamboyant, Caroline Laurent nous présente ce peuple atypique, décalé, préservé pendant si longtemps de la civilisation telle que nous l’entendons aujourd’hui : sans économie propre, sans papiers d’identité, ils vivent du coco et des chargements venus de Maurice. Caroline Laurent parvient avec plusieurs tours de passe-passe romanesques, à nous faire entrer dans l’histoire oubliée des Chagossiens et à susciter notre empathie. Tout n’est pas exactement vrai, pourtant tout ce qu’elle raconte transpire la véracité – et j’avais plus envie de la croire que la fiche Wikipédia que j’ai épluchée ensuite.

Intercalés dans le récit, de courts chapitres nous renvoient au présent, à la lutte de Joséphin pour faire reconnaître le crime commis par les Royaume-Uni lorsqu’il a fait d’eux un peuple apatride. On y trouve la violence de la colère qui persiste, mais aussi une réflexion nécessaire sur l’importance du sentiment d’appartenance, sur le lien à la terre et à la famille, sur la nécessité de transmettre cet héritage chagossien dont Joséphin a été dépossédé. Véritable colonne vertébrale du récit, ces passages donnent à celui-ci une profondeur unique, et nous attachent plus que jamais au sort des différents personnages. Grâce à Caroline Laurent, les Chagos ont fait leur entrée dans la littérature française – et quelle entrée fracassante ! Nous sommes pas prêts de les oublier à nouveau.


Résumé de l’éditeur:

Certains rendez-vous contiennent le combat d’une vie.
Septembre 2018. Pour Joséphin, l’heure de la justice a sonné. Dans ses yeux, le visage de sa mère…
Mars 1967. Marie-Pierre Ladouceur vit à Diego Garcia, aux Chagos, un archipel rattaché à l’île Maurice. Elle qui va pieds nus, sans brides ni chaussures pour l’entraver, fait la connaissance de Gabriel, un Mauricien venu seconder l’administrateur colonial. Un homme de la ville. Une élégance folle.
Quelques mois plus tard, Maurice accède à l’indépendance après 158 ans de domination britannique. Peu à peu le quotidien bascule et la nuit s’avance, jusqu’à ce jour où des soldats convoquent les Chagossiens sur la plage. Ils ont une heure pour quitter leur terre. Abandonner leurs bêtes, leurs maisons, leurs attaches. Et pour quelle raison ? Pour aller où ?
Après le déchirement viendra la colère, et avec elle la révolte.

Roman de l’exil et de la révolte, Rivage de la colère nous plonge dans un drame historique méconnu, nourri par une lutte toujours aussi vive cinquante ans après.


Ça veut dire quoi, l’indépendance ? Qui est indépendant ? L’êtes-vous vous-même ?
J’ai longtemps cru en ce rêve. Liberté, autonomie. Applicable aussi bien en politique que dans l’intimité. Je t’aime, je ne t’aime plus, si je ne t’aime plus je pars, ma vie ouverte aux quatre vents. Je crois que je me trompais. L’indépendance, je veux dire la pure, la véritable, l’absolue, n’existe pas.
On est toujours le colonisé d’un autre.
Ce constat nous oblige.
Les Chagos dépendaient de Maurice, qui dépendait du Royaume-Uni, qui dépendait de l’Europe, qui dépendait des Nations unies, qui dépendaient du monde démocratique. Qui a entendu parler de nous ? Diego Garcia, Peros Banhos ? Non, connais pas. Qui sait ce que le monde démocratique nous a infligé ?
Croyez-moi. Notre sort vous concerne tous, et sans doute bien au-delà de ce que vous pourriez imaginer.

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