Nombreux sont ceux, aujourd’hui, qui s’engagent dans des carrières « pleines de sens« , pour accompagner à la transition écologique, dédiant leurs journées à l’accompagnement d’entreprises toujours aussi imbues de profit essayant de s’acheter une conscience sociale et environnementale. Dessinant à grands traits les caractéristiques et contradictions de cette génération, dont je suis, intransigeante face à l’urgence climatique mais pour autant incapable de renoncer au confort de vie dans lequel elle a grandit, Louise Browaeys nous dresse un portrait plus réaliste que nature de notre société d’aujourd’hui. L’histoire de Ciara, Dennis et Inès lui permet d’illustrer l’étendue des renoncements qui devraient être les nôtres pour espérer survivre à la catastrophe qui se prépare, avec humour, tendresse et bienveillance, comme elle l’avait déjà fait dans La Dislocation.
Louise Browaeys ne nous dit rien de plus que nous ne savons déjà. Nous savons les choix que nous devrions faire, nous savons ce qu’il faudrait sacrifier pour sauver la planète, pour seulement espérer pouvoir léguer une Terre habitable à nos enfants. Pour autant, son propos est tout sauf dogmatique : elle nous montre bien que cette conscience de l’inévitable que nous avons est entièrement insuffisante pour induire le changement nécessaire, parce que nous sommes tous conditionnés à rechercher avant tout notre plaisir individuel, à poursuivre notre propre contentement et à reproduire ce que nous connaissons. Certains arriveront peut-être à revenir à un presque état de chasseurs-cueilleurs comme Dennis s’y emploie dans une partie du livre – pour autant, nous n’échapperons pas à la virée mensuelle au supermarché pour faire le plein de produits de première nécessité.
Finalement, j’ignore si l’autrice veut nous encourager à plus de sobriété, à revenir à l’état sauvage ou si elle s’est simplement contentée de nous montrer que toute la bonne volonté du monde ne changera pas le cours des choses. Ce que je sais, c’est qu’elle a réussi à faire éclore beaucoup de réflexions par cette histoire étrangement inspirante et légèrement improbable et c’est ce que j’ai particulièrement aimé dans cette lecture, en plus des personnages d’une finesse incroyable et des pointes d’humour qui m’ont bien fait sourire.
Il y a peu, Ciara croyait encore dans sa vocation : accompagner les entreprises en quête d’une transition écologique. C’était aussi le cas d’Inès, sa meilleure et drôle d’alliée, bientôt atteinte par un mal incurable. Et puis les échecs amoureux, la tyrannie d’un patron auto-alimentée par ses propres mensonges, l’absurdité d’un programme appliqué de projet en projet ont fini de saper leurs illusions. Tout quitter s’est alors imposé comme une solution. Mais pour aller où ?
Quand Dennis, père de famille respectable et collègue sur mesure, disparaît après un séminaire d’équipe à la frontière franco-espagnole, sans laisser apparemment de traces, les deux jeunes femmes se mettent en tête de partir à sa recherche.
Entre fantasme survivaliste, vie dans les bois et bêtise des alternatives pour combler le vide d’une ultramoderne solitude, un roman écologique et poétique où la joie côtoie la mélancolie et où les vainqueurs ne sont pas ceux que l’on croit. Voici l’odyssée d’un trio qui devrait faire vaciller nos certitudes.
Je libère mon partenaire de l’obligation de me compléter.
Je libère mes parents du sentiment qu’ils ont échoué avec moi.
Je ne manque de rien, j’apprends de tous les êtres, tout le temps.
Je dois plus que jamais être fidèle à moi-même en marchant avec la sagesse du coeur, je sais que j’accomplis mon projet de vie, libre des loyautés familiales qui peuvent perturber ma paix et mon bonheur, ce détachement est de ma responsabilité.
Je renonce au rôle du sauveur, d’être celui qui unit ou répond aux attentes des autres.
Je chéris mon essence, ma façon de l’exprimer, même si tout le monde ne peut pas me comprendre.
J’honore la Divinité en moi et en toi.
Je t’honore, je t’aime et te reconnais innocent.
Nous sommes libres.
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