L'île aux arbres disparus, Elif Shafak, Flammarion, Chypre, Histoire

Quand Elif Shafak sort un nouveau roman, c’est toujours avec une grande excitation que j’en commence la lecture. C’était d’autant plus vrai pour L’île aux arbres disparus, qui allait me permettre de voyager de nouveau à Chypre, quelques semaines après avoir refermé Au café de la ville perdue, que j’avais adoré. Ici, l’intrigue diffère, même si le contexte historique reste sensiblement le même. Des années après la partition du pays, Ada, jeune fille londonienne née de parents chypriotes, lève le voile sur l’histoire de sa famille grâce à l’arrivée impromptue d’une tante qu’elle n’avait jamais vue. En discutant avec sa tante, elle comprend petit à petit l’amour interdit entre ses parents, l’un grec, l’autre turc, et elle renoue avec une culture qui, sans qu’elle l’ait véritablement connue, n’a jamais cessé d’être la sienne.

Une fois de plus, Elif Shafak a su me charmer avec ses personnages plus vrais que nature, ses descriptions vivaces de lieux que je n’ai jamais vu, ses évocations formidablement réalistes de cultures que je ne connais que de manière parcellaire. Lire ce livre, c’est plonger entièrement dans le Chypre de la guerre civile, c’est souffrir au côté des habitants forcés de se cacher face au débarquement des soldats, c’est goûter au plaisir d’une soirée à la taverne du Figuier heureux, c’est retrouver le goût de l’amour quand on renoue avec lui après plusieurs années d’absence. Ce livre secoue, émeut et trouble d’une manière absolument délicieuse.

Dans les pas d’Ada, nous nous interrogeons sur le poids du passé dans notre présent, sur le fardeau qui coule peut-être encore dans nos veines alors qu’il appartient aux générations passées, celles de nos parents ou de nos grands-parents. Un enfant d’immigré peut-il connaître le déracinement sans avoir jamais mis les pieds sur l’île dont est originaire sa famille ? A travers cette histoire, Elif Shafak laisse penser que notre héritage culturel nous transcende, fait de nous ce que nous sommes, que nous en soyons conscients ou pas, que nous le voulions ou pas. On garde en chacun de nous une part de la terre d’où l’on vient, qu’on l’ait déjà foulée ou pas – comme Ada, irrémédiablement liée à Chypre.


Résumé de l’éditeur:

Ce roman commence par un cri et s’achève par un rêve. Le cri, interminable, est celui que lance aujourd’hui une adolescente de seize ans, prénommée Ada, en plein cours d’histoire dans un lycée londonien.
Le rêve est celui d’une renaissance. Entre les deux a lieu la rencontre du Grec Kostas Kazantzakis et d’une jeune fille turque, Defne, en 1974, dans une Chypre déchirée par la guerre civile. Elif Shafak crée des personnages débordant d’humanité mais aussi de failles et de doutes, d’élans de générosité et de contradictions, pour conter l’histoire d’un amour interdit dans un climat de haine et de violence qui balaie tout sur son passage. Sa prose puissante convoque un savant mélange de merveilleux, de rêve, d’amour, de chagrin et d’imagination pour libérer la parole des générations précédentes, souvent réduites au silence.


Le temps humain est linéaire, continuum parfait depuis un passé supposé révolu et réglé vers un avenir qu’on imagine pur et intact. Chaque jour se doit d’être tout neuf, empli d’événements nouveaux, chaque amour radicalement différent du précédent. L’appétit de l’espèce humaine pour la nouveauté est insatiable et je ne suis pas sûr qu’elle leur fasse grand bien.

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