Ce que nous désirons le plus, Caroline Laurent, Editions Les Escales, Rentrée littéraire 2022, The Unamed Bookshelf

Si j’apprécie autant les livres de Caroline Laurent, c’est parce que beaucoup de ses réflexions trouvent en moi un certain écho. Je me retrouve en elle, et c’est d’autant plus vrai dans ce dernier livre, le plus personnel qu’elle ait écrit jusque là. La quatrième de couverture ne m’avait pas du tout préparée à ce que j’allais trouver entre ces pages – en même temps, comment résumer ce texte ? Alors je suis tombée des nues quand l’autrice a commencé à évoquer la déflagration qu’elle a vécue à la découverte de l’affaire Olivier Duhamel début 2021, suite à la publication de La Familia Grande, de Camille Kouchner. Proche de la famille, et de l’accusé, de part sa collaboration et son amitié avec Evelyne Pisier, grâce à leur roman Et soudain la liberté, cette nouvelle a remis beaucoup de choses en question et en perspective pour elle, et notamment son rapport à l’écriture, qu’elle évoque ici.

Je n’ai jamais très bien compris la différence entre autobiographie et autofiction, et j’ignore si ce texte fait partie de l’une ou l’autre des catégories, mais il m’est dans tous les cas difficile de mettre des mots sur mon ressenti face à cette lecture. Les faits, c’est que j’ai dévoré ce livre en moins d’une journée, que j’ai versé une larme à plusieurs reprises et que j’ai corné une bonne partie des pages – et ces faits sont assez révélateurs du chamboulement qu’à provoqué ce texte en moi. Je dis « texte » parce que, même si cette histoire a un début et une fin, ce n’est pas vraiment une histoire. C’est un cœur ouvert posé sur une page, l’offrande d’une femme qui cherche à renouer avec sa vocation en se livrant à son lecteur. Quelle plus belle preuve de son talent une autrice peut-elle bien nous offrir ?


Résumé de l’éditeur:

Un jour une amie meurt, et en mourant au monde elle me fait naître à moi-même. Ce qui nous unit : un livre. Son dernier roman, mon premier roman, enlacés dans un seul volume. Une si belle histoire.
Cinq ans plus tard, le sol se dérobe sous mes pieds à la lecture d’un autre livre, qui brise le silence d’une famille incestueuse. Mon cœur se fige ; je ne respire plus. Ces êtres que j’aimais, et qui m’aimaient, n’étaient donc pas ceux que je croyais ?
Je n’étais pas la victime de ce drame. Pourtant une douleur inconnue creusait un trou en moi.
Pendant un an, j’ai lutté contre le chagrin et la folie. Je pensais avoir tout perdu : ma joie, mes repères, ma confiance, mon désir. Écrire était impossible. C’était oublier les consolations profondes. La beauté du monde. Le corps en mouvement. L’élan des femmes qui écrivent : Deborah Levy, Annie Ernaux, Joan Didion… Alors s’accrocher vaille que vaille. Un matin, l’écriture reviendra.


Je commençais à le comprendre, nos stratégies de contournement. si élaborées soient-elles, nourrissent toujours nos futures défaites. dans le fond, c’est peut-être ce que nous recherchons : que quelque chose en nous se défasse. l’écriture est une voie tortueuse pour accéder à ce délitement, conscient ou pas. C’est comme si elle nous précédait, comme si elle savait de nous des choses que nous-mêmes ignorons. Qu’on la dise romanesque, autobiographique, intime ou engagée, la littérature nous attend déjà du mauvais côté. Celui où nous tomberons. Elle nous échappe en nous faisant advenir à nous-mêmes, nous pousse à écrire ce que jamais on ne dirait, sans doute pour assouvir notre désir de connaître, de nous connaître (cette pompeuse libido sciendi détaillée par Saint Augustin et Pascal, qui forme avec le désir de la chair et le désir du pouvoir l’une des trois concupiscences humaines).

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